Bienvenue

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Bienvenue !

vendredi 20 août 2010

Oubliez cette histoire

Je suis en train de disparaître. Petit à petit, je deviens invisible pour les autres, inutile... Pourtant, j'ai eu une enfance heureuse, des parents gentils. J'avais des camarades d'école dont certains se disaient mes amis. On jouait ensembles à la récré, on bavardait pendant les cours, on séchait le collège et le lycée ensembles... J'ai même eu une petite amie. Je me rappelle que ça a duré longtemps. Plus de trois ans. Puis elle a déménagé et je ne l'ai plus jamais revue.

J'ai commencé à disparaître pendant mes études supérieures. J'étais dans une école loin de chez mes parents. Mes anciens amis me téléphonaient ou m'écrivaient de temps en temps par mail ou messagerie instantanée. Mais on n'avait plus les mêmes centres de préoccupation. On n'habitait plus les uns près des autres. On ne faisait pas les mêmes études. Ils se faisaient d'autres amis. Moi, j'étais bien trop occupé à étudier pour essayer. J'avais des camarades de TP ou de siège. Mais les cours dans des amphithéâtres ne me rapprochaient pas d'eux. Et ils ne s'approchaient pas de moi.

J'ai alors commencé à recenser des anomalies. Mon nom oublié assez souvent dans les listes d'appel ou d'examens. Mon numéro de téléphone répondant de temps en temps aux autres qu'il n'existait pas d'abonné pour répondre. Mes factures qui n'arrivaient plus. Bien sûr, ce dernier point me plaisait beaucoup... J'aurais quand même du avoir la puce à l'oreille.

Mes anciens amis ne me parlaient que très peu, il fallait que je leur adresse la parole pour cela et que je leur rappelle qui j'étais, car souvent, je ne faisais plus partie de leur liste de contact. Mes parents, par contre, restaient fidèles avec un appel tous les week-ends et je rentrais les voir une fois par mois. Jusqu'à ce qu'un incendie ravage la maison, tuant mes parents et brûlant tous les souvenirs que je possédais, en dehors de ceux que j'avais avec moi dans ma chambre d'étudiant. Les proches furent nombreux à l'enterrement mais oublièrent pour la plupart de venir me faire leurs condoléances. Peu importait alors, puisque ma douleur me faisait oublier ce qui m'entourait.

Puis je terminais mes études dans la moyenne et trouvait un emploi où je travaillais dans un petit bureau, seul. Une secrétaire passait une fois par jour prendre mes dossiers finis et m'en donner d'autres. Parfois, elle oubliait. Elle ne se rappelait de toute façon jamais mon nom et il arrivait qu'elle se trompe en m'apportant les dossiers.

Je ne recevais plus aucune facture dans mon petit appartement. Le propriétaire décéda un an après que j'eus emménagé. Personne ne vint alors me demander un loyer ou m'expulser. Je n'allais jamais voter car je ne recevais pas les courriers correspondants. Seules certaines pubs de pizzeria ou de supermarchés échouaient encore dans ma boite au lettre.

A présent, lorsque je suis dans la rue, on me heurte sans aucun mot d'excuse. On s'assoit sur mes genoux dans le bus ou le métro. On passe devant moi dans la file de la caisse. J'ai l'impression que les gens m'ignorent.

Je me suis regardé dans un miroir ce matin et j'ai compris. Mon reflet est presque invisible. Quand je suis allé au boulot, un homme était assis à mon bureau, comme si de rien n'était. Alors je suis rentré chez moi. Je vois le stylo et le papier à travers mes doigts. Je crois que bientôt, je ne pourrais même plus tenir quoi que ce soit, on dirait déjà que je passe à travers la matière. C'est d'ailleurs comme ça que je suis rentré chez moi : je n'ai pas eu besoin d'ouvrir la porte. Alors il est peut-être temps que je vous dise Adieu...

Cette lettre a été trouvée dans un appartement abandonné. Une simple signature la finissait. On a recherché qui était ce quidam. Il semble qu'il soit l'enfant mort-né d'un couple dont la mère le voyait sans cesse, un peu comme un fantôme. Le père payait des enfants pour jouer devant la mère et faire comme s'ils voyaient cet enfant disparu. Ils étaient allés jusqu'à l'inscrire dans une école supérieure, lui acheter des fournitures et lui louer une chambre. Et lorsqu'ils sont morts, tous les éléments se rattachant à cet enfant ont disparu, sauf le témoignage de la sœur de la mère. Celle-ci, en plus de nous expliquer ce qui a déjà été inclus au rapport, nous a demandé d'oublier cette histoire.

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