Bienvenue

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Je n'ai pas d'autre prétention que de vous emporter, pour un instant, dans mon monde. Dans mes mondes.


Bienvenue !

vendredi 5 juillet 2013

Dans les profondeurs, il brûle

Je ne crois pas avoir connu autre chose que la peur. D'aussi loin que je me souvienne, elle a été ma compagne. La berceuse au coin de mon berceau, pesante de silence et étouffant mes pleurs sous sa main gelée. Mon école, faite de tremblements inscrits à l'encre de l'angoisse sur les pages de mon cahier. Mon premier amour, cette étreinte fugace, glacée sur mes entrailles et brûlante sur mes joues, et mes yeux secs d'avoir déjà trop pleuré.

Je ne me rappelle pas un seul souvenir sans cette amertume qui nous suit sans cesse. Le glas sonnant notre désespoir même lorsque le destin aurait pu nous offrir une fleur.

Pourtant, quand je me plonge dans les livres d'histoire, je vois que mon époque était la promesse d'un monde meilleur, une vie facile aidée par la technologie. Nos ancêtres espéraient que nous parviendrions à dépasser les notions telles que l'argent ou le pouvoir pour parvenir à un monde où chacun pouvait subvenir à ses besoins sans peiner, et ainsi pouvoir se consacrer à rechercher le sens de la vie...

La réalité est toute autre. Chaque jour est un combat pour rester en vie. Certes, nous pouvons vivre vieux et en bonne santé. Presque immortel. Enfin, si la mort n'était pas présente au tournant de chaque rue, sous une forme ou une autre.

Parfois, on la voit rôder. Noire, menaçante, prenant la forme de nos pires cauchemars.

Et parfois, elle se dissimule. Et le moindre acte de compassion pour un enfant qui pleure, ou un homme blessé, peut devenir un piège pour tous ceux qui cèdent. Juste assez pour garder cette boule au creux du ventre quand un chat vient se frotter à ma jambe. Et si aujourd'hui, je n'avais pas de chance ?

Si aujourd'hui, c'était mon tour. Mon numéro tiré par le hasard. Et encore, la mort est une délivrance. Pour ceux qui n'ont pas de chance, c'est l'enfer qui commence. Une simple brume noire, et on se sait maudit. Elle arrive, rictus grimaçant. Et sans avoir le temps de comprendre, elle prend possession. Et alors, ce n'est plus qu'une question de temps. Sans savoir quand cette épée de Damoclès tombera. Et naturellement, on ne le dit pas. Question de survie. On espère toujours y échapper. Avoir imaginé cette brume. Un simple cauchemar.

Puis un jour, il prend aux entrailles. Et ça brûle. Tout brûle. Il ne reste que des corps calcinés. Oui, j'aurais peut-être dû commencer par là. Ce spectacle, autour de moi. Réel. Un instant, ils essayaient de m'éloigner de la plage vers les bunkers. Et après un voile rouge, ils sont tous morts. Je vis avec ce poids sur la conscience. Pas responsable, mais coupable.

Alors maintenant, je me cache. Je ne sais plus qui est l'ennemi. Les lueurs bleues dans la mer que l'on nous a appris à haïr ? Mes anciens camarades qui, s'ils savaient que je suis maudit, me logeraient une balle dans la tête ? Ou bien est-ce moi ?

Je ne sais pas si un jour, quelqu'un lira ces mots. Si c'est le cas, j'aimerais demander pardon pour ma lâcheté. Je pourrais aller plonger dans la mer. Je pourrais emmener la bombe à retardement que je suis au pied de ce qu'on nous demande de combattre. Mais, égoïstement, je veux vivre.

De toute façon, nous avons déjà perdu. J'ai même entendu quelqu'un décrire notre défense comme une "Ligne Maginot à la Star Wars". Parce que nous sommes là, avec une technologie de science fiction, et pourtant, si demain, les lumières bleues attaquaient, rien ne pourrait les retenir. Un tsunami, et ce serait fini.

Peut-être que ce serait mieux ainsi. tout détruire. Tomber dans l'oubli. Laisser les restes d'une civilisation pour que, si un jour, une espèce intelligente vient à nouveau vivre ici, ils puissent creuser notre histoire. Et peut-être apprendre à ne pas faire les mêmes erreurs.

Quant à moi, je vais simplement laisser cette lettre, ce témoignage anonyme, et continuer à vivre dans la peur. Peur de mourir. Peur de vivre. Peur que finalement, tout ça ne rime à rien.