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Bienvenue !

samedi 21 août 2010

Agence de rencontre cybernétique

Aujourd’hui, je dois rencontrer mon âme sœur. J’ai 21 ans. Je viens de terminer mes études et je dois me marier. Alors, il est temps que je rencontre mon âme sœur pour pouvoir fonder une famille. Je ne vais pas être la seule aujourd’hui. Nous sommes vingt à être bichonnées pour pouvoir paraître séduisantes. Pour moi, c’est le passage de l’état d’enfant à l’état d’adulte. Alors, je replonge dans mon enfance.
Je suis née le 21 juin 2985. Mes parents voulaient trois enfants. J’étais la deuxième. Dès quatre ans, j’ai montré une grande attirance pour les chiffres et les substances qui interagissaient avec un effet amusant, comme le bicarbonate de soude et le jus de raisin. Alors, on m’a orientée vers une école de mathématiques et chimie. Mon frère aîné, adorant empiler des cubes pour qu’ils ne s’effondrent pas et bâtissant des châteaux de sable magnifiques, avait été intégré dans une école de maçonnerie. Il est chef de chantier et marié à une architecte. Ma petite sœur, quant à elle, jouait souvent au docteur avec sa poupée. Elle est sur le point de terminer ses études d’infirmière.

Après quelques années d’apprentissage, j’ai surpris les éducateurs en me passionnant de lecture. Principalement pour les livres écrits à la fin du XXème siècle et au début du XXIème. La naïveté de certains auteurs de science-fiction m’amusait tandis que la véracité d’autres me laissait étonnée. En effet, certains décrivaient la société du futur très proche de celle dans laquelle je vivais réellement.

Dans l’école, nous étions répartis par classes non mixtes. Nous avions le droit de rencontrer les garçons en dehors des cours, mais devant les professeurs, pas d’inattention. Ou bien nous avions comme punition de nous occuper du secrétariat et il fallait rattraper les cours le week-end. Dès 12 ans, nous aurions pu aisément nous occuper de n’importe quelle question administrative sans difficulté, mais il y avait toujours un adulte pour nous surveiller et pour s’occuper de tout ça quand aucun de nous n’était puni. Un différent toutes les semaines. Après tout, il avait souvent un autre métier à côté, dans la société, on ne pouvait se permettre d’employer des fonctionnaires. Pourquoi payer des personnes à lambiner toute la journée et à faire grève à la moindre contrariété quand ces mêmes personnes pouvaient se rendre utiles à la société en variant les expériences de travail ? Il était important de varier les expériences et souvent, les adultes avaient au minimum trois emplois différents.

Le passage de la puberté n’était pas très difficile. Au moindre signe de tension, on parlait avec l’adolescent en question et avec ses parents. S’il y avait besoin, ils s’expliquaient face à face avec une seule obligation : tout se dire, tout pardonner et ne pas recommencer la même erreur. La méthode marchait dans la majorité des cas. Pour ma part, il n’y eut qu’un seul conflit grave. Mon père, à la suite d’un malentendu, avait compris que mon travail à l’école n’était pas suffisant et avait voulu me faire travailler en plus pendant mes vacances. Mais les éducateurs le rassurèrent vite alors. Mon parcours était correct, même si loin d’être brillant. Alors, il n’y avait aucun besoin de me faire plus travailler que ce que je faisais à l’école. Mon programme était adapté à mes capacités.

À 16 ans, mes études préliminaires furent achevées, et je pus enfin me concentrer sur l’apprentissage de mon futur métier dans l’aspect pratique. En effet, la théorie était considérée comme inapte à former à un métier, même si l’erreur de préférer des diplômes témoignant de plusieurs années de théorie à l’expérience au début du XXIème siècle avait failli faire s’écrouler toutes les sociétés procédant à ce type de sélection. Enfin, je pus observer en temps réel les maladies gagner lentement l’organisme des rongeurs transgéniques que nous avions créés pour que leurs cellules possèdent des marqueurs très semblables à ceux des humains.

Puis je devais, en observant le mode de transmission des virus, bactéries et autres antigènes, décider quelles molécules ou quels virus inoffensifs pour l’organisme infecté je devais utiliser pour amener le rongeur à sa guérison. La première année, peu de rongeurs avaient survécu. Et quelques étudiants avaient par mégarde injecté les toxines aux instructeurs, qui, à part à une occasion, s’étaient dépêchés de s’injecter l’antidote. Un seul était mort. Affolé, il n’avait pas retrouvé l’antidote assez vite. Mais il faut dire qu’il avait atterri ici après un stage initiant à l’hypnotisme. Il avait tenté de régresser dans ses vies antérieures mais n’avait réussi qu’à se provoquer des amnésies passagères. Dont une était arrivée au mauvais moment. Mais la dernière année, on avait pu s’amuser avec les nouveaux virus, les dernières mutations en date. À nous de reconnaître de quelle souche un virus dérivait afin d’adapter nos soins.

À présent, j’attends avec impatience d’entrer dans la salle où nous allons rencontrer nos âmes sœurs. Il va y avoir 50 % de médecins, 25 % de biologistes et 25 % de pharmaciens. Je crois que je vais préférer un médecin. Il faudra qu’il aime lire et qu’il ait suivi un module de mathématiques avancées, comme celui que j’ai effectué à 12 ans. On parlera d’intégrales, de dérivées et de primitives. Mais ils ont déjà veillé à ce que l’un des hommes présents réponde à mes critères et que je réponde à ses critères. Ils savent toujours à l’avance celui qu’on va choisir d’après ma mère.

Dans un des livres de science fiction que j’ai lu récemment, les gens ne se rencontraient pas comme ça. Ils se mettaient en couple au petit bonheur la chance. Mais ils parlaient d’amour. Qu’est-ce que c’est ? Je n’ai pas pu le découvrir. Peut-être leur manière de trouver une âme sœur. Un fil sort d’une jointure entre mon ongle et ma phalange, à l’aide d’un coupe-ongles, je le remets en place. Il ne manquerait plus qu’un court-circuit fasse sauter mes plombs. Je fais rouler mes mécanismes bien huilés. J’ai gardé un des rongeurs bioniques que l’on utilise. Très bien faites ces petites bêtes. Pour un peu, on les confondrait avec les originaux gardés dans l’Arche de Noé, le centre de cryogénisation où l’on a enfermé tous les vivants car ils ne parvenaient plus à nous supporter, nous, les « robots » comme ils nous appelaient. Quelle décadence !

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