Bienvenue

Vous êtes arrivés ici par hasard, au détour d'une page, ou bien après que l'on vous ait suggéré que peut-être, il y avait ici un peu d'un jardin intéressant.


Je n'ai pas d'autre prétention que de vous emporter, pour un instant, dans mon monde. Dans mes mondes.


Bienvenue !

mercredi 24 novembre 2010

Le grand lutin et la jolie fée

Il était une fois une jolie fée et un grand lutin.
La jolie fée vivait au pays des fées. Elle s’occupait du tribunal féérique. Elle aidait les avocats(les fruits, pas les nôtres), à devenir des pommes, des poires, ou des scoubidous.
Le grand lutin vivait lui aussi au pays des fées. Il s’occupait de l’ambassade des lutins des les fées. C’était facile à reconnaitre : le seul bâtiment qui n’était pas fait d’herbes et de feuilles de lierre, mais plutôt de jolis cailloux très brillants qui étincelaient au soleil.

La jolie fée était en pause déjeuner. Elle avait décidé de sortir un peu pour profiter d’un peu de soleil, tant qu’il y en avait. Elle avait bien envie d’un nectar de passiflore, et pour ça, il fallait qu’elle vole jusque l’autre coté de l’arbre. Il fallait dire que le tram-chenille était de toute façon toujours plein à cette heure-là. Et puis ses ailes étaient un peu froissées à force de rester assise à écouter les plaintes d’un avocat un peu mûr dont la transformation en pomme avait été reportée au lendemain.

Le grand lutin venait de finir sa journée. Enfin, sa matinée. Il avait commencé bien avant que le soleil se lève et voulait maintenant aller se coucher. Comme d’habitude, il ne s’était rien passé. Une mouche avait essayé de se poser sur l’ambassade, mais il avait suffit de secouer une feuille pour la chasser. Un des lucioles qui éclairaient le bâtiment avait eu soif et il lui avait apporté une goutte d’eau. Rien de très passionnant.
Sans le savoir, le lutin et la jolie fée se croisèrent. Mais comme un lutin marche et qu’une fée vole, ils ne se retrouvèrent pas nez à nez. Le lutin eut juste un sourire un peu béat quand l’ombre de la fée passa sur lui.

Alors que le lutin arrivait chez lui, il découvrit un petit mot d’un de ses collègues lutin qui ne pouvait pas aller travailler tout de suite et lui demandait de le remplacer deux petites heures. Alors le lutin soupira et il repartit.

Alors que la fée arrivait à son restaurant préféré, elle s’aperçut qu’elle avait oublié un rendez-vous en début d’après-midi, et qu’elle devait prendre son nectar à emporter. Ce qu’elle fit, avant de repartir.

Les nuages s’amoncelèrent devant le soleil. Ils avaient décidé d’arroser un peu les fleurs des fées, qui paraissaient un peu assommées par les rayons un peu ardents. Ils commencèrent par une légère bruine, afin de prévenir les fées. En effet, la pluie sur les ailes des fées, c’est un vrai drame, encore pire que la pluie sur les cheveux d’une femme. Sauf que les ailes des fées ne frisent pas mais se décolorent. Ce qui est tristounet il faut l’avouer. Ce sont les milliers de couleurs de leurs battements au milieu des fleurs qui donnent au pays des fées ce petit air magique.

La jolie fée, sentant la bruine, se dépêcha de descendre par terre pour s’abriter sous un champignon. Par le plus grand des hasards, au même moment, le grand lutin arriva aussi sous ce champignon. Et cette fois-ci, leurs yeux se croisèrent. Et le monde, un instant, s’arrêta. Tout resta immobile. Jusqu’à ce que les nuages remarquent, dans le reflet des gouttes environnantes, ce magnifique spectacle : l’amour naissant.

C’est un regard qui en croise un autre et, le temps d’un battement d’aile de fée, tout change. Une graine prend racine dans le cœur du lutin et de la fée. Car leurs deux cœurs n’en font plus qu’un, battant à l’unisson. Et les nuages prennent une décision. Ils envoient un éclair sur deux rochers juste à coté des amoureux.

Dans un bruit de tonnerre apparaissent deux statues de nos amoureux. Dans leurs yeux de pierre, on voit l’amour véritable germer.
L’histoire dit qu’ils se sont mariés quelques temps plus tard, et ne se sont plus jamais quittés. Mais la légende donne surtout aux amoureux un endroit où déclarer leur flamme. Car les cœurs se délient et les anneaux sont offerts, rappelant à chacun cette rencontre magique sous les statues du grand lutin et de la petite fée.

lundi 8 novembre 2010

Un Halloween comme les autres

Je regarde la vieille horloge qui me rappelle tant de souvenirs et qui, enfin, égrène les douze coups de minuit. Aujourd’hui c'est Halloween, personne n’a pourtant sonné à notre porte. Oscillant entre excitation intense et peur diffuse, je me dis qu’il me faut maintenant aller jusqu’au bout. Une promesse ne se renie pas. Pourtant, lorsque je commence à faire un pas vers la chambre, de minuscules gouttes de sueur perlent sur mon front et le duvet de mes bras se hérisse. Et si…
... Et si la pendule n'était pas à l'heure ? C'est cette nuit qu'une loi étrange avait fixé un changement. Mais on était déjà décalé par rapport à l'heure du soleil, alors...
Je secoue la tête. Rien ne pourra m'empêcher de réaliser ce que je me suis engagée à faire.

Sur mon lit, les instruments m'attendent. Bougie noire, sel, un peu de sang de poulet dans une fiole, et une craie. Je prends le tout et je m'installe en tailleur devant mon miroir. Je trace un pentacle au milieu duquel je place la bougie. Voilà, je le savais, j'ai oublié le briquet pour l'allumer !
Heureusement, j'en ai un dans la table de nuit. Voilà, je commence à avoir les mains moites. Ma respiration s'accélère.

J'allume la bougie.

Je commence à incanter, chantant des mots utilisés par les femmes de ma famille depuis plusieurs générations chaque nuit d'Halloween. J'essaie de ne pas buter sur la prononciation. Je ne voudrais pas m'attirer encore plus de problèmes que j'en ai déjà. Pour finir, je verse le sang de poulet dans le pentacle.
Le sol vibre. J'ai un peu la nausée et j'ai l'impression d'être paralysée. De la poussière sort du parquet, puis prend forme peu à peu. Une forme que je vois dans chacun de mes cauchemars.

Elle est là. Je l'entends déjà. Ce son me crispe. J'essaie de ne pas pleurer. Elle parle.

"Eh bien, je vois que les traditions se perdent. A une époque, on aurait sacrifié autre chose qu'une fiole de sang de poulet pour moi."

Et ça commence. Elle n'est pas satisfaite. Elle est solide maintenant. Je la vois s'ébrouer, comme si elle sortait de l'eau. Elle regarde autour d'elle et grimace.

"Et j'aime bien moins cette époque. Tout est petit, on se sent à l'étroit."

Je lève les yeux et je croise son regard. Je n'aurais pas du.

"Bon, et bien, ne reste donc pas plantée là. Viens faire la bise à ta tante Irma. Tu ne crois quand même pas que je suis revenue des enfers juste pour te regarder assise là comme une dinde."

Je m'exécute. Elle pique. Et elle sent l'oignon rance. C'est ce qui l'a tuée, un bout d'oignon croqué à pleine dent qui n'est pas passé. Elle sort de la chambre. Elle va sans doute aller critiquer le reste de la maison.
Je remarque un bout de papier par terre. Je le prends. Dessus, je lis :

"Merci encore, mademoiselle, d'avoir accueilli votre grand-grand-grand...grand-tante chez vous. On a beau faire, c'est les seules vacances qu'elle veut bien prendre et on en a besoin pour respirer un peu. Il faut dire qu'elle ne nous laisserait même pas aller sur Terre pour faire peur aux gens alors qu'Halloween est parfait pour ça.
Bon courage, on viendra la chercher demain matin à 8h.

Cordialement,

Beelz et ses démons."

Petit Halloween sauvage

Il fait froid. Il semblerait que ce soit une forêt qui m’entoure. Allongée sur le sol, je ne sais plus ce que je fais là. Ma robe blanche est froissée, mon gilet gris me couvre à peine. La lune dévoile sa lumière une fois sur deux, à cause des nuages gris qui passent l’emprisonner.
Il fait froid, et je suis gelée de l’intérieur. Je n’ai pas peur.
Les arbres ne sont pas des sapins, on dirait des châtaigniers, de nombreux châtaigniers qui se découpent dans des ombres étranges.
Je ne sais pas qui je suis, pourquoi et comment je suis arrivée là. La seule chose que je sais, c’est que je suis seule ici……
Enfin, seule... Je sais que je suis la seule chose qui respire à des lieues à la ronde. Je sais aussi que je ne devrais pas être ici. Puis je réalise : cette année, c'est moi.
On sait que chaque année, à Halloween, une jeune femme du village disparait. En général, ce sont des étrangères. Celles qui, parmi les gens de passage, ne manqueront pas, ou peu. On paie la famille et ils s'en vont.

Mais cette année, il n'y avait pas de gens de passage. Ils ont appris à nous éviter. Ils savent que nous avons un contrat que nous nous devons de respecter. Alors c'est moi. Je suis là. Je ne sais pas où. Je me rappelle seulement que je dormais. Du bruit dans le couloir. Des sanglots. Puis la porte qui s'ouvre doucement, et mon père qui me murmure à l'oreille des excuses. L'odeur très forte. Le trou noir. Et me voici ici.

Je n'ai toujours pas peur. Je suis même un peu excitée. Personne ne sait ce que deviennent ces jeunes femmes qui disparaissent. Moi, j'ai toujours espéré qu'elles n'avaient pas peur. Que simplement, ce qui se passait les emmenaient loin. Au pays des fées peut-être. Ou des lutins. Ce soir, c'est la nuit où les mondes se touchent.

J'entends un bruit. Un raclement. On dirait une vieille chaine rouillée que l'on traine dans les graviers.
Un mouvement, à ma droite. La lune est cachée et je ne vois pas. Mais ça se rapproche. On dirait un homme, un peu courbé. Il a un pas lent, mais régulier.

Il est devant moi, et je distingue enfin ses traits. Il n'est pas laid. Mais il a l'air triste, très triste.
Il avance sa main et me touche le visage. Il sent l'humus frais. J'aime bien. J'ai confiance en lui, je ne sais pas pourquoi.
Puis il me parle :

"Depuis des siècles, ton village expie mon injustice. Depuis des siècles, chaque année, ils m'offrent une fiancée, pour celle qu'ils ont brûlée comme sorcière injustement. Tu es jolie. Viens ma mie, allons nous marier, et pour un an, je laisserai ton village prospérer."

Il me tend une fleur blanche que je ne connais pas. Je la mets dans mes cheveux. Ce soir, c'est ma nuit de noce. Je suis contente finalement d'avoir ma robe blanche et mon joli gilet gris. Mon fiancé me tend le bras, je le prends et je marche à coté de lui.
Cette nuit, je me marie à la Mort.

samedi 16 octobre 2010

Le poète

Qu'il est fou le poète qui fait rimer amour et toujours.
Son discours de félicité éternelle fait sourire comme d'un doux idiot.
Jusqu'au jour où la grâce nous touche, déposant à nos cotés un être qui est ce que l'on a cherché.
Alors on ne sait plus vivre sans et les mots du poète prennent sens.
Un amour doux, confortable toute une vie durant.

vendredi 15 octobre 2010

Adieu ...

(Ceci est un hommage à un ami, ma façon de lui dire au revoir. La seule façon que je puisse utiliser puisqu'il est parti trop vite et trop soudainement. Adieu J.)

Mon amour,

Il y a plusieurs choses que j’aurais voulu te dire avant de partir. Des choses que je n’ai pas pensé à te murmurer le soir quand je pensais à la chance que j’avais de dormir avec toi dans mes bras.

Quand on m’a appris que j’étais condamné, j’ai eu envie de pleurer. Non pas parce que ma vie allait finir, mais parce que je n’allais pas pouvoir te regarder vieillir à mes cotés. Je voulais hurler que ce n’était pas juste, que tu avais besoin de moi. Et puis j’ai décidé qu’on aurait au moins le temps qui me restait ensemble.

C’est toi qui m’as fait vivre. Qui m’a apporté l’envie de lutter contre ce qui me rongeait encore un peu chaque jour. Si j’avais été seul, je me serais probablement éteint vite, une bougie soufflée. A la place, j’ai été un brasier, brûlant le bois de notre amour vigoureusement.

Nous avons passé des épreuves difficiles. Les questions aux médecins où la réponse ne donnait plus d’espoir. Et où, malgré tout, je continuais à m’accrocher, grâce à toi. Les écueils de notre couple, ce qu’on aurait pu avoir et qu’on a perdu. Mais parce que je partageais ma peine avec toi, elle était moins lourde.

Si j’avais pu chanter, je l’aurais fait. J’aurais pris les paroles de toutes ces chansons d’amour, juste pour trouver les mots qui te diraient que je t’aime.
Si j’avais pu écrire, je l’aurais fait. Des lignes et des lignes sur toi, sur ce que mon cœur battait en rythme chaque jour.

Mais je suis parti. Sans un mot. Et tu m’as dit au revoir avec un goût amer. Tu savais, mais tu ne t’y attendais pas. Tu ne voulais pas. Et je t’aime parce que jusqu’au dernier moment, tu as espéré.

Tu sais, je suis encore là. Je ne pouvais pas te quitter sans te dire une dernière fois que je t’aime. Même si ce sont des mots qui sont écrits d’une autre main que la mienne. Un dernier message que tu ne liras peut-être pas.

Adieu ma Femme. Et à bientôt.

mercredi 22 septembre 2010

La première plume de la première page

On dit souvent d'un artiste qu'il peut craindre le syndrome de la page blanche. Cette panique légère qui, quant on s'y perd, peut devenir un murmure à l'oreille qui répète :

Et comment ça commence ? Et c'est quoi le début ? Et quelle sera la première phrase, celle qui donnera un public ému ?

Un dilemme bien cruel et une question en suspens. Cherchons donc à y répondre. Quels mots, quelle tournure peut donner envie au lecteur de passer au-delà de la première phrase. Celle-ci devra l’intriguer, lui parler, l’alpaguer et l’hameçonner, sans qu’il n’ait envie d’aller justement se chercher une bière et quelques chips pour regarder le match de foot à la télé.

Essayons.

" Telle une fleur éclose du matin, la fraicheur de ses joues étincelait. "

Vague, maladroit, on y voit une probable faute de goût, si ce n'est pas de logique. Une fraicheur n'étincelle pas.

" Levant les yeux, elle regarda l'horizon en se demandant quand il rentrerait. "

Déjà un peu plus intéressant. Une question dissimulée derrière une tournure de phrase. L'expression est un peu maladroite, mais on peut se laisser piéger. Toutefois, peut mieux faire.

" Gaelcediene, les yeux au loin, caressa son ventre avec un soupir. "

Ah, déjà, un peu plus d'informations. Un nom, une suggestion d'état : triste et enceinte. On s'attend dans la deuxième phrase à avoir quelque chose se rapportant au bébé et éventuellement au soupir de cette dame.

" Gaelcediene se tenait en haut de la tour la plus élevée de son château et elle se demandait où était son mari. "

Ouh ! Non ! Trop d'informations. Trop plat. Trop insipide. Laissons un peu de magie !

Bien sûr, on pourrait faire comme Robert Jordan et commencer par une citation un peu longue et mystérieuse.

" Ceci n'était pas un début. Ni une fin. Juste un point à partir duquel découlait une histoire. "

Je vous l'accorde, c'est tricher un peu, ce n'est pas une seule phrases mais trois. Et, quelque part, ça n'empêche pas que la première phrase de l'histoire en elle-même est importante.

Décidément, écrire la première phrase n'est pas facile.

mercredi 15 septembre 2010

Une rencontre

Les nouvelles rencontres sont très rares dans l’ensemble. Néanmoins, cela arrive parfois, aussi étrange que ça puisse paraître. Des âmes sœurs en général, déjà habituées à voyager ensemble, quel que soit le corps. Les lieux et les liens varient tant et tant que les coïncidences ne sont pas rares.
Sans doute, si l’on avait suivi ainsi la migration des âmes au travers des âges sur une mappemonde à l’aide de punaises et de fils colorés, le tableau ainsi exposé formerait un ballet aussi doux que riche pour les yeux, une véritable mélodie visuelle.
Ceci dit, les familles d’âmes restent relativement stables au court du temps. Une harmonie certaine y règne. Comme l’eau et l’huile, elles glissent les unes contre les autres, se côtoyant sans se mélanger. Sans rancœurs particulières mis à part celles, animales qui s’élevaient lors des vies pour se consumer dans la mort, partagées puis oubliées en un clin d’œil.
Les guerres passent sans plus qu’une ride sur un étang. Même quand il pleut, les gouttes ne creusent pas l’étendue d’eau mais la remuent simplement.
L’évolution des hommes a tout de même, bout à bout, modifié subtilement l’équilibre. A l’amer, au salé, à l’acide, on a ajouté le sucré, surprenant et doux. Comme un coup de fourchette dans la vinaigrette qui incorpore la moutarde, permettant ainsi de mélanger le vinaigre et l’huile.

Cela se passe dans un zoo. Une invention de l’homme. Car jamais la nature n’a mêlé les lions aux pingouins ni laissé se rencontrer les pandas et les kangourous.
La cage de verre des panthères a une vitre commune avec l’enclôt des loups. Deux espèces carnivores placées ainsi pour que le stockage et la distribution des viandes soient facilités. Un peu plus loin, on peut croiser des lions, hyènes, pumas, tigres et autres espèces qui auraient préféré croquer autre chose que les quartiers de bœuf surgelés qu’on leur balançait à heures fixes.
Mais pour l’heure, c’est une panthère noire, une femelle, qui fait sa sieste dans un rayon de soleil fatigué de l’automne. Et deux jeunes loups gris qui jouent de l’autre coté, dérangeant les feuilles mortes prématurément.
Les deux espèces se voisinent ainsi depuis quelques dizaines d’années, s’ignorant banalement. Pas d’odeur, pas de menace, pas d’ennemi.
Mais cette fois, un détail change. La panthère noire croise le regard d’un des deux loups. Et, au lieu de continuer à tourner la tête pour bailler, elle le fixe. Et le loup s’arrête de jouer, imité par son compagnon.
Pendant près de deux heures, les animaux soutiennent leur regard, sans bouger. Puis vient l’heure des soins. Les trois bêtes ne résistent pas au bruit caractéristique et courent, presque synchronisés, vers leur récompense pavlovienne quotidienne.

dimanche 5 septembre 2010

Nina et les perles de pluie

Il était une fois une petite fille qui s’appelait Nina. Comme toutes les petites filles de son âge, elle avait des rêves. De Grands Rêves. Oui, avec les majuscules.
Sa maman lui avait raconté une histoire quand elle était petite, sur les perles de pluie. Ces perles formaient le collier de la Princesse des Nuages. Si une petite fille trouvait ce collier, elle pouvait devenir Princesse et commander à la pluie.
Nina rêvait de ce collier, très souvent. Elle imaginait les perles, transparentes, faites d’eau qui ne coule jamais et qui ne mouille pas. Etre princesse la tentait. Commander à la pluie pouvait être très intéressant. Elle demanderait par exemple qu’il pleuve sur les fleurs du jardin mais pas sur le chemin, pour qu’on puisse se promener et regarder la pluie tomber sans être mouillé et devoir rentrer pour se changer.

Mais Nina grandissait sans savoir où trouver ce collier. Elle n’était pas une aventurière, à courir le monde pour chercher des trésors. Et puis, le monde tournait, la pluie tombait, et il fallait bien faire semblant de suivre le pas. Alors elle gardait ses Grands Rêves dans une boite. Une petite figurine de bois que son père lui avait fabriqué avec un collier de perle autour du coup, et quelques bouts de quartz presque ronds qui lui rappelaient l’histoire.

Quand elle eut 12 ans, son père lui fit la surprise de monter ses bouts de quartz en collier. Elle n’aurait pas de perles de pluie, mais elle pourrait avoir ses cailloux autour du cou pour faire semblant. Nina était aux anges. Elle sortit dehors avec son collier puis dit à son jardin :
« Bientôt, je pourrai ordonner à la pluie de te mouiller en laissant ma tête au sec. »

Puis elle continua à grandir. Et le temps passait sans qu’elle trouve comment obtenir les perles de pluie dont elle rêvait. Alors elle imaginait que son collier était vraiment celui qu’elle cherchait, et ordonnait à la pluie dans son jardin de laisser les chemins tranquilles pour qu’elle puisse s’y promener. Sans jamais aller regarder si la pluie lui obéissait. Car elle ne voulait pas être déçue en voyant que le chemin était aussi mouillé que les fleurs.

Lorsqu’elle eut 15 ans, sa mère lui fabriqua une très jolie robe pour qu’elle puisse aller à une fête au village. Elle avait enfin le droit d’y participer et se sentait impatiente. Elle prit très longtemps à se préparer. Elle avait mis la robe et son collier, et elle se regarda dans le miroir.
« Il manque quelque chose » dit-elle à son reflet. Et son reflet acquiesça. Alors elle décida de sortir pour aller cueillir quelques fleurs et les mettre dans ses cheveux.
Sur le pas de la porte, elle s’aperçut qu’il pleuvait. Et elle se rappela qu’elle avait ordonné à la pluie le matin même de ne pas mouiller le chemin. Alors elle s’avança d’un air décidé. Si la pluie ne lui obéissait pas, tant pis. Elle releva tout de même sa robe, au cas où il y ait de la boue.

Elle ferma les yeux puis commença à avancer. Elle connaissait le chemin par cœur, et ne voulait pas voir si le chemin était sec ou pas.
Quand elle ouvrit les yeux, devant les fleurs, elle sourit. Elles étaient décorées de gouttes d'eau. Mais, sous ses pieds, elle sentait le sol sec. La pluie lui avait obéit !

Elle prit quelques fleurs et les planta dans ses cheveux. Puis elle se retourna. Un carrosse de nuage l'attendait. Elle monta dedans.

Le jour suivant, le carrosse revint chercher ses parents et tous ses amis. Elle était devenue la Princesse des Nuages.

vendredi 27 août 2010

Rougir de..

Rougir de plaisir,
Parce que la honte n'existe pas.
Sourire sans mentir,
Parce qu'ainsi on saute un pas.

Se souvenir du passé,
Ressasser les envies,
Oublier de pleurer
Et croquer sa propre vie.

jeudi 26 août 2010

Mourir en paix

L'homme respira l'air marin. Comme à chaque fois qu'il sortait en mer, cette odeur le vivifia. C'était sa façon à lui de se sentir vrai, d'avoir un sentiment d'invulnérabilité.
Cela faisait plusieurs dizaines d'années qu'il sortait ainsi sur son bateau, plusieurs fois par an. Il avait fini par en faire son métier. Courir le globe, découvrir ces eaux inconnues du bout du monde contre un dessin sur ses voiles de son sponsor. Aller toujours plus loin, toujours plus vite. Mieux connaitre son bateau, vivre avec lui, jour avec jour pour caresser la mer du soir au matin et du matin au soir.

Dormir dans un hamac dans le recoin de son bateau ne le gênait plus depuis longtemps. Il connaissait par cœur la structure de celui dans lequel il se trouvait. Son dernier, le plus récent. Il avait eu envie de le tester seul. Un moment privilégié dont il aimait profiter avant le stress de la préparation des courses.
Bien sûr, il y avait eu quelques préludes. Le test à 180°, où il avait eu l'impression de faire tourner le monde depuis sa coque à l'envers. Le matage, fixant l'équilibre de son vaisseau. La bouteille de champagne habituelle, pour baptiser selon un nom prédéfini avec son sponsor. Et un nom officieux qu'il avait peint dans un endroit qu'il était seul à fréquenter.
Mais maintenant, c'était lui et son bateau. Un voyage de noce sur l'eau salée. Une lune d'écume. De plus, la météo avait promis un ciel clément et un vent suffisant pour bien profiter. Pas de risques de ce coté-là. Un bon marin savait vérifier les conditions avant de sortir. Et puis, risquer le naufrage lors de la première sortie n'était bon que pour le Titanic.

La barre en main, il regardait l'horizon. Il sentait sous lui les vibrations du bateau. Un moyen efficace de savoir s'il se passait quelque chose d'inhabituel. Une fois qu'il avait pris la mesure de ce nouveau partenaire. Il le connaitrait bientôt mieux que sa femme. Cette structure qui le maintenait sur l'eau n'aurait aucun secret pour lui.

Il étira un peu ses jambes. Elles commençaient à raidir. C'était normal. Malgré la volonté de fer, l'âge rattrapait peu à peu les os, les muscles, le corps. Mais il savait qu'il tiendrait encore plusieurs années sur son bateau, défiant la vieillesse. Pour ce faire, il pratiquait des exercices pour se maintenir en forme tous les jours, en toute saison. Même sur le bateau en solitaire, il ne manquait jamais une série d'étirements. Par contre, ces petits trucs pour combattre le temps ne l'aidait pas pour ses aigreurs d'estomac. Dernièrement, celles-ci se multipliaient.

Il prit dans sa poche une barre de céréale et la mangea lentement. En général, celà aidait à faire passer la crise. Un mouette passa au dessus de lui. Il leva la tête en souriant. Puis il se figea. Il voyait trouble. Etrange, pourtant, il avait de très bons yeux. Il secoua la tête puis fixa à nouveau l'horizon. Voilà, c'était passé. Sans doute une poussière.
Il se racla la gorge. Son épaule gauche s'engourdissait un peu. Il la remua. Puis se sentit soudain très mal. Il avait une douleur dans le bras qui peu à peu s'étendait à son torse. Il avait l'impression d'être compressé et avait du mal à respirer. Puis il se rappela. Tout ceci, il le connaissait. Il en avait entendu parler.

Une crise cardiaque. Ici. En pleine mer. Personne à moins d'une heure. Et il ne tiendrait pas aussi longtemps. Il ragea un instant. Bon sang, tout ça pour ça ? Mourir bêtement parce qu'il était trop loin des secours ?

Non. La Mort ne choisirait pas.

Il bloque tant bien que mal la barre, puis se hissa, avec beaucoup d'effort, sur le bord avant de se laisser tomber dans l'eau. Elle était froide et il fut paralysé par le choc. Mais, de toute façon, il se savait condamné. Il ne lutta pas.
Il s'enfonça peu à peu dans l'eau. Ouvrant les yeux, le sel le piqua tandis qu'il voyait la coque de son bateau s'éloigner. Il savait qu'il n'était pas très profond. Il est rare de couler directement, à moins d'être plombé. Mais le fait de tomber avait permis qu'il soit quand même un mètre sous l'eau, à quelques poussières près.
Par réflexe, il retenait sa respiration. Il eut une pensée agréable. Au moins, il mourrait dans son élément, et pas en chaise roulante dans une maison de retraite avec vue sur le port. Alors il décida d'inspirer, la bouche ouverte, d'embrasser l'eau, sa dernière compagne, son linceul.

Et il mourrut en paix.

mardi 24 août 2010

Un parc en orage

Dans un parc, un jour d’orage, William s’abrita dans un kiosque pour éviter le rideau de pluie. Quelques minutes plus tard, trempée, une jeune femme courut pour faire la même chose. Tous deux, timides, regardèrent les gouttes en écoutant doucement ce plic et ploc incessant.

William, patientant, se prit à regarder le profil de cette jolie inconnue. Les cheveux noirs et trempés, on aurait dit qu’elle venait de sortir de l’eau, naïade esseulée aux larmes sur les joues mais portant un sourire en bijou. Aimait-elle autant que lui ces nuages lourds et gris qui apportaient un peu de fraicheur en été ? Peut-être. Ou bien était-ce l’eau qui la réjouissait ainsi ?

Elle se tourna vers lui. Le rouge lui monta aux joues, mais il ne détourna pas son regard. Elle avait des yeux pétillants. Et son sourire était à croquer. Il aurait aimé boire à ses lèvres.

Il s’approcha et lui tendit la main. Elle la prit. Il l’attira vers lui et l’embrassa tendrement. Elle avait un goût de rosée du matin.

On entendait au loin la musique d’un carrousel, douce et ternaire. Il la fit donc danser, tandis que la pluie tombait, goutte après goutte. On aurait dit que le ciel se vidait peu à peu, donnant toute son énergie à la terre. Plic et ploc autour du couple dansant sous ce kiosque.

Puis le soleil perça les nuages, séchant les dernières larmes des nuages. Lorsqu’un rayon toucha la femme que William tenait dans ses bras, elle disparut en une fine brume. Mais il sourit, tenant dans la main une lettre qui disait : je te verrai au prochain orage mon amour…

lundi 23 août 2010

Les contes de l'eau

Petite fille aux grands yeux bleus,
Tu savais d'un regard te noyer dans les cieux.
Tous en te voyant sentit leur coeur s'alléger
Car tu chantais tes mélodies sur le sentier.
Tu aidais ta mère à préparer les poissons
Dont les écailles miroitaient sur les murs de la maison.

Un homme t'a pris ton coeur un matin
Promettant qu'il reviendrait, plein d'entrain
Et sur la mer tu le vis au loin partir
Tes yeux bleus versant des larmes à n'en plus finir.
Tu savais que la mer enviait ton amour
Et qu'elle noyait dans ses limbes les trop fortes amours.

Lorsque tu sus un soir qu'il ne reviendrait plus
De rage tu maudis la mer dans laquelle il avait chu
Et, les larmes remplissant tes grands yeux sans fin
Tu plongeas au milieu des bateaux carmins
L'on te vit disparaître dans une gerbe d'écume blanche
Tandis qu'en mémoire de ton homme on clouait quatre planches.

Aujourd'hui, la mer reflète le bleu du ciel
Comme dans tes yeux et tes larmes de sel
On dit que puisque ton homme est au paradis
Tu le regardes des profondeurs infinies
Donnant à la mer cette jolie couleur bleue
Celle qui donnait du bonheur à tes yeux.

dimanche 22 août 2010

Nos origines

L’idée avait mis du temps à germer dans les esprits. Après tout, même si on est capable de faire (presque) n’importe quoi à un animal, on osait peu toucher à l’homme. Mais bon, les ordinateurs, malgré leur perfectionnement depuis les vingt-cinq siècles qu’on les utilisait, avaient leurs limites. Et on savait que l’homme n’utilisait son cerveau qu’à 10% (entre 8 et 20 en fait, mais 10 était la moyenne). Alors, de même qu’au début du XXIe siècle, on avait créé une chaîne d’ordinateurs à travers le monde qui laisser utiliser leur mémoire non utilisée pour effectuer en peu de temps des calculs complexes qui auraient duré dix ans sur un ordinateur normal, on voulait utiliser les 90% de neurones restants pour des recherches nobles. Mais qui accepterait d’être cobaye ? Qui voudrait laisser son cerveau travailler 24h/24 sur un sujet autre que la survie de l’organisme ?

De plus, on s’aperçut que les rares volontaires subissaient une accélération de leur métabolisme et vieillissaient ainsi très vite par rapport à la normale et que beaucoup avaient des problèmes de mémoire, de logique, voire développaient un syndrome ressemblant aux maladies d’Alzeimer et de Parkinson, pourtant éradiquées depuis longtemps déjà.

Puis, un jour, un chercheur lança une idée :
- Et si on utilisait tous ces embryons congelés qui n’ont pas été utilisés pour les transplantations in vitro il y a quelques siècles inutiles depuis peu de temps, mais qu’on ne veut pas détruire à cause des lois sur l’être humain ? Ainsi, on pourra les faire réellement vivre. Autant les garder à un endroit où on pourra facilement les surveiller et recueillir le produit du travail inconscient de leur cerveau. Ils pourraient même se reproduire entre eux et ainsi nous fournir toujours plus de matière à travailler.

Il y eut quelques mouvements opposants un peu réticents à utiliser des humains, même si c’était au moins une manière pour eux de vivre, mais le côté pratique de la chose en vint rapidement à bout. Après tout, ils ne sauraient pas qu’on les utilisait et ce que l’on ignore ne fait pas de mal. Les progrès dans l’astronautique avaient permis de repérer à quelques milliards d’années-lumière un système solaire possédant une planète du même type que la Terre, et on décida d’y placer les cobayes, après avoir fait un peu de ménage dans l’écosystème.

Les premiers cobayes s’installèrent donc sur cette Nouvelle Terre. Ils y découvrirent une espèce de primates très proches d’eux, mais leur avance en technique permit aux cobayes de mieux s’adapter à leur monde que ces primates qui se raréfièrent alors et disparurent. Mais, en l’absence de données de leur monde d’origine, ils régressèrent rapidement, en partie à cause du travail de leur cerveau. On les observa beaucoup depuis la Terre, afin d’étudier leur comportement. Mais finalement, ils régressèrent tellement qu’on arrêta de les observer et on ne fit plus que recueillir le fruit du labeur de leur cerveau.

Voilà maintenant deux cents millénaires que nous les avons abandonnés, mais je suis retournée avec quelques collègues voir comment ils se débrouillaient. Je me suis alors aperçue qu’ils avaient depuis longtemps cessé de régresser et que leur intelligence avait même recommencé à se développer.

Alors, je vais laisser ce petit texte en langage mathématique sur le petit satellite naturel qui tourne autour de leur planète. Si un jour ils parviennent à y voyager, ils le trouveront et s’ils peuvent le décrypter, ils comprendront leur histoire et les irrégularités dans leur histoire géologique et biologique.
Et peut-être un jour nous retrouverez-vous, Terriens qui lisez mes écrits. Je vous attends avec impatience, j’ai le temps de vous voir venir. Car votre intelligence croît de manière exponentielle et j’ai encore une centaine de millénaires à vivre. À bientôt...
Archive secrètes de la NASA, traduction de la plaque trouvée sur la Lune
dossier 214J5F2D88XX3

samedi 21 août 2010

Agence de rencontre cybernétique

Aujourd’hui, je dois rencontrer mon âme sœur. J’ai 21 ans. Je viens de terminer mes études et je dois me marier. Alors, il est temps que je rencontre mon âme sœur pour pouvoir fonder une famille. Je ne vais pas être la seule aujourd’hui. Nous sommes vingt à être bichonnées pour pouvoir paraître séduisantes. Pour moi, c’est le passage de l’état d’enfant à l’état d’adulte. Alors, je replonge dans mon enfance.
Je suis née le 21 juin 2985. Mes parents voulaient trois enfants. J’étais la deuxième. Dès quatre ans, j’ai montré une grande attirance pour les chiffres et les substances qui interagissaient avec un effet amusant, comme le bicarbonate de soude et le jus de raisin. Alors, on m’a orientée vers une école de mathématiques et chimie. Mon frère aîné, adorant empiler des cubes pour qu’ils ne s’effondrent pas et bâtissant des châteaux de sable magnifiques, avait été intégré dans une école de maçonnerie. Il est chef de chantier et marié à une architecte. Ma petite sœur, quant à elle, jouait souvent au docteur avec sa poupée. Elle est sur le point de terminer ses études d’infirmière.

Après quelques années d’apprentissage, j’ai surpris les éducateurs en me passionnant de lecture. Principalement pour les livres écrits à la fin du XXème siècle et au début du XXIème. La naïveté de certains auteurs de science-fiction m’amusait tandis que la véracité d’autres me laissait étonnée. En effet, certains décrivaient la société du futur très proche de celle dans laquelle je vivais réellement.

Dans l’école, nous étions répartis par classes non mixtes. Nous avions le droit de rencontrer les garçons en dehors des cours, mais devant les professeurs, pas d’inattention. Ou bien nous avions comme punition de nous occuper du secrétariat et il fallait rattraper les cours le week-end. Dès 12 ans, nous aurions pu aisément nous occuper de n’importe quelle question administrative sans difficulté, mais il y avait toujours un adulte pour nous surveiller et pour s’occuper de tout ça quand aucun de nous n’était puni. Un différent toutes les semaines. Après tout, il avait souvent un autre métier à côté, dans la société, on ne pouvait se permettre d’employer des fonctionnaires. Pourquoi payer des personnes à lambiner toute la journée et à faire grève à la moindre contrariété quand ces mêmes personnes pouvaient se rendre utiles à la société en variant les expériences de travail ? Il était important de varier les expériences et souvent, les adultes avaient au minimum trois emplois différents.

Le passage de la puberté n’était pas très difficile. Au moindre signe de tension, on parlait avec l’adolescent en question et avec ses parents. S’il y avait besoin, ils s’expliquaient face à face avec une seule obligation : tout se dire, tout pardonner et ne pas recommencer la même erreur. La méthode marchait dans la majorité des cas. Pour ma part, il n’y eut qu’un seul conflit grave. Mon père, à la suite d’un malentendu, avait compris que mon travail à l’école n’était pas suffisant et avait voulu me faire travailler en plus pendant mes vacances. Mais les éducateurs le rassurèrent vite alors. Mon parcours était correct, même si loin d’être brillant. Alors, il n’y avait aucun besoin de me faire plus travailler que ce que je faisais à l’école. Mon programme était adapté à mes capacités.

À 16 ans, mes études préliminaires furent achevées, et je pus enfin me concentrer sur l’apprentissage de mon futur métier dans l’aspect pratique. En effet, la théorie était considérée comme inapte à former à un métier, même si l’erreur de préférer des diplômes témoignant de plusieurs années de théorie à l’expérience au début du XXIème siècle avait failli faire s’écrouler toutes les sociétés procédant à ce type de sélection. Enfin, je pus observer en temps réel les maladies gagner lentement l’organisme des rongeurs transgéniques que nous avions créés pour que leurs cellules possèdent des marqueurs très semblables à ceux des humains.

Puis je devais, en observant le mode de transmission des virus, bactéries et autres antigènes, décider quelles molécules ou quels virus inoffensifs pour l’organisme infecté je devais utiliser pour amener le rongeur à sa guérison. La première année, peu de rongeurs avaient survécu. Et quelques étudiants avaient par mégarde injecté les toxines aux instructeurs, qui, à part à une occasion, s’étaient dépêchés de s’injecter l’antidote. Un seul était mort. Affolé, il n’avait pas retrouvé l’antidote assez vite. Mais il faut dire qu’il avait atterri ici après un stage initiant à l’hypnotisme. Il avait tenté de régresser dans ses vies antérieures mais n’avait réussi qu’à se provoquer des amnésies passagères. Dont une était arrivée au mauvais moment. Mais la dernière année, on avait pu s’amuser avec les nouveaux virus, les dernières mutations en date. À nous de reconnaître de quelle souche un virus dérivait afin d’adapter nos soins.

À présent, j’attends avec impatience d’entrer dans la salle où nous allons rencontrer nos âmes sœurs. Il va y avoir 50 % de médecins, 25 % de biologistes et 25 % de pharmaciens. Je crois que je vais préférer un médecin. Il faudra qu’il aime lire et qu’il ait suivi un module de mathématiques avancées, comme celui que j’ai effectué à 12 ans. On parlera d’intégrales, de dérivées et de primitives. Mais ils ont déjà veillé à ce que l’un des hommes présents réponde à mes critères et que je réponde à ses critères. Ils savent toujours à l’avance celui qu’on va choisir d’après ma mère.

Dans un des livres de science fiction que j’ai lu récemment, les gens ne se rencontraient pas comme ça. Ils se mettaient en couple au petit bonheur la chance. Mais ils parlaient d’amour. Qu’est-ce que c’est ? Je n’ai pas pu le découvrir. Peut-être leur manière de trouver une âme sœur. Un fil sort d’une jointure entre mon ongle et ma phalange, à l’aide d’un coupe-ongles, je le remets en place. Il ne manquerait plus qu’un court-circuit fasse sauter mes plombs. Je fais rouler mes mécanismes bien huilés. J’ai gardé un des rongeurs bioniques que l’on utilise. Très bien faites ces petites bêtes. Pour un peu, on les confondrait avec les originaux gardés dans l’Arche de Noé, le centre de cryogénisation où l’on a enfermé tous les vivants car ils ne parvenaient plus à nous supporter, nous, les « robots » comme ils nous appelaient. Quelle décadence !

vendredi 20 août 2010

L'Ogre et la Sirène

Il était une fois un ogre qui vivait dans son marais.
Sa petite vie paisible se résumait à quelques agréables habitudes.

Le matin, en se levant, il préparait un jus à partir des chaussettes qu’il avait piqué dans les paniers sales des ménagères. Et oui, il était le responsable des chaussettes orphelines des villages alentours. Vous savez, ces chaussettes rouges à petits pois dont vous ne retrouvez qu’un seul exemplaire après les avoir lavées ? C’était lui qui s’en servait.
Il disait d’ailleurs que les meilleurs jus venaient des chaussettes vertes qui n’avaient pas encore de trous mais avaient été usées pour jouer dans les prés derrière les écoles.

Il passait ensuite sa matinée à cueillir les champignons. Il connaissait tous les bons coins et ne laissait que les vénéneux pour les promeneurs éventuels. Il lui arrivait parfois d’en laisser des bons à coté, juste pour réussir à tromper l’œil des villageois qui pouvaient avoir envie de passer après lui.

Juste avant midi, il allait piller les poulaillers des œufs qui pouvaient encore s’y cacher, puis rentrait chez lui se préparer une bonne omelette de cèpes, de girolles, et de beaucoup, beaucoup de fromage.

En début d’après-midi, il faisait une sieste, ronflant à faire trembler les murs. D’ailleurs, il finissait souvent avec un morceau du plafond sur la figure. Il le réparait alors avec de la boue fraîche, puis sortait tranquillement pour aller allumer les feux follets des marais. Vous savez, ces petites lumières qui peuvent parfois égarer le voyageurs aventureux ? On suit la lumière, puis plouf, on se retrouve les deux pieds dans l’eau.

Pour son dîner, il attrapait dans les marais un bon gros poisson, ou bien il allait chercher un poulet dans un des villages, puis faisait rôtir sa prise au dessus de son feu. Il dégustait ce met dégoulinant accompagné d’un tord-boyaux qu’il fabriquait lui-même à partir des fruits qu’il volait dans les vergers voisins. Mirabelles, poires, prunes, abricots, il avait toujours de quoi se régaler. Il ne laissait que les fruits pourris aux branches et par terre.

Enfin, la nuit venue, il allait hanter les villages alentours, écoutant les contes que les mères racontaient à leurs enfants, grognant et grattant près des maisons où ces derniers ne voulaient pas aller se coucher. Puis il en profitait pour voler les chaussettes de son prochain petit déjeuner et rentrait tranquillement chez lui.
Mais il ne savait pas que…

Il était une fois une sirène qui vivait dans l’océan.
Sa petite vie paisible se résumait à quelques agréables habitudes.

Le matin, en se levant, elle se préparait un toast de pain trempé qu’elle avait récupéré près des plages. Vous savez, le pain que vous avez perdu sur la plage l’autre jour parce qu’une vague vous l’a chipé ? Et bien la vague l’a ramené à une main, celle de la sirène.
Elle disait d’ailleurs que le meilleur pain trempé était celui qu’elle trouvaient après que des enfants soient passés se baigner. Il était plein de confiture et de beurre.

Elle passait ensuite sa matinée à cueillir des coquillages et des anémones pour décorer le fond de l’océan, laissant seulement les coquillages brisés près des plages pour que les enfants les trouvent et se demandent pourquoi, mais pourquoi donc, les coquillages qu’ils ramassaient n’étaient jamais entiers.

Juste avant midi, elle allait piller les paniers des pécheurs encore en mer. En général, elle s’agrippait au bateau et attendait que le pécheur regarde ailleurs pour plonger la main dans le panier et attraper des sandwichs, des carottes ou du saucisson. Puis elle allait tranquillement les déguster sous un récif de corail pour profiter des belles couleurs du soleil se reflétant sur les écailles des poissons.

En début d’après-midi, elle faisait une sieste sous une pierre, battant doucement de sa nageoire dans le courant. Elle finissait souvent avec quelques crabes cachés sous elle et des poissons nichant dans ses cheveux. Elle les chassait alors gentiment puis sortait avec une provision de berniques qu’elle allait coller sous les coques des bateaux. Vous savez, cette couche de coquillages qui sont fixés sur le bois, au point qu’il faut râper le bateau pour réussir à les enlever ?

Pour son dîner, elle attrapait du plancton qu’elle se faisait en salade avec quelques algues vertes. Elle dégustait ce met léger tout en répétant dans sa tête ses chants préférés.

Enfin, la nuit venue, elle retournait près des récifs pour y chanter, attirant les marins encore en mer pour qu’ils s’échouent, et qu’elle puisse ensuite s’approprier les petites choses brillantes qu’ils jetaient par dessus bord en offrande pour qu’elle se taise et ne les laisse pas s’approcher trop près des rochers dangereux.
Mais elle ne savait pas que…

Dans son marais, l’ogre se sentait quand même un peu seul. Les villageois le fuyaient toujours quand il était trop proche, de peur qu’il ne fasse tourner le lait ou naître des poules à deux têtes. Et s’ils ne fuyaient pas, il lui lançaient des flèches et des fourches et c’est lui qui tournait le dos pour se cacher dans la nuit, dans l’un des marais.
Le seul moment où les voix qu’il entendait ne hurlaient pas ni ne pleuraient, c’était le soir quand il écoutait les contes. Et cela parlait de fées, de princesses, de princes, de grenouilles, de bœufs… Mais les héros n’étaient jamais des ogres ou des dragons qui pouvaient trouver l’amour.
Alors l’ogre se demandait si un jour, un conte parlerait de lui. Après tout, il n’était pas si méchant. Bon, il était vert, il avait un gros nez, presque pas de cheveux et il louchait un peu. Mais on l’avait dessiné comme ça, ce n’était pas de sa faute à lui.
Mais il ne savait pas que…

Dans son océan, la sirène se sentait quand même un peu seule. Les marins et les pécheurs la fuyaient toujours, de peur qu’elle n’attire leur embarcation vers des récifs dangereux. Et s’ils ne fuyaient pas, ils sortaient des harpons brillants qu’ils lui jetaient dessus et c’était elle qui fuyait se cacher dans les profondeurs, sous les baleines.
Les seuls visages qu’elle pouvaient voir de près, c’est ceux qui étaient peints ou gravés sur ce qu’ils jetaient par dessus leur bateau quand elle chantait. Souvent, il s’agissait de peintures, sur lesquelles on voyait des fées, des princesses, des princes, des grenouilles, des bœufs… Mais jamais de sirènes. Elle regardait les images qui s’estompaient peu à peu au fil des courant d’eau.
Alors la sirène se demandait si un jour, une image serait faite d’elle. Après tout, elle n’était pas laide. La seule chose qui la différenciait des gens sur la peinture, c’était sa longue queue de poisson, à partir de la taille. Bon, d’accord, on ne pouvait pas peindre sous l’eau, mais ce n’était pas de sa faute, elle aurait bien aimé en sortir.
Mais elle ne savait pas que…

Un jour, pendant sa collecte nocturne, l’ogre buta sur un petit bout de métal qui sortait de terre. Il se pencha, puis creusa un peu pour le dégager.
C’était tout lisse, noir d’un coté, et brillant de l’autre. Et ça avait la forme d’une goutte d’eau un peu déformée. Il regarda, tenta de le mordre. Mais ça ne se brisait pas, ni ne se pliait. Donc il le prit dans sa besace et repartit dans son marais, avec sa récolte de chaussettes.
Une fois chez lui, il frotta le coté brillant avec un coin de la nappe, puis regarda mieux. On aurait dit un miroir, sauf que dedans, il ne se voyait pas. Il voyait juste des planches de bois et il entendait de légers clapotis.
Etonné, il posa cet étrange objet en face du feu, puis alla se coucher. Il ne tarda pas à ronfler.
Il allait bientôt découvrir que…

Quelques instants avant, la sirène chantait. Le bateau en face ne lui avait pas encore envoyé de choses brillantes, et elle attendait, composant au fur et à mesure sa mélodie.
Puis vint son offrande. Elle le reçut sur la tête, et cessa immédiatement de chanter en se frottant le dessus du crâne. Elle prit l’objet puis plongea.
A la lumière de la lune, elle observa ce qu’on lui avait donné. C’était un bout de métal tout lisse, blanc d’un coté et brillant de l’autre. Et ça avait la forme d’une goutte d’eau un peu déformée.

Soudain, le bout de métal se mit à faire un bruit terrifiant. On aurait dit une scie rouillée que l’on aurait utilisée sur une corne de cuivre qui jouait faux, avec par dessus un sifflement strident. Tous les poissons aux alentours fuirent, car sous l’eau, le son se propage très, voire trop bien.
La sirène hurla, complètement affolée, mais ne lâcha pas cet objet étrange.
Elle allait bientôt découvrir que…

L’ogre fut tiré de son sommeil par un cri strident. Il se demanda si une jeune villageoise un peu blonde ne se serait pas perdue près de son antre. Mais non, elle n’aurait jamais osé approcher aussi près d’une masure en boue séchée. Et puis le cri semblait venir de l’objet bizarre qu’il avait ramené.
Cela s’arrêta. Il s’approcha et découvrit alors une chose incroyable.

La sirène entendit que le bruit horrible avait cessé. Elle regarda l’objet et découvrit…

Un visage. Etrange. Un peu trouble. Mais surtout curieux.

En même temps, ils firent un « o » parfait. Celui de la sirène chantait un peu. Celui de l’ogre grinçait un peu. Mais qu’importe.
Puis ils sourirent. Aucun ne fuit, ni ne lança de fourches ou de harpons.
Et ils se mirent à parler. Pendant des heures. Le soleil se leva sans qu’ils s’en aperçoivent, puis se recoucha sans qu’ils aient faim.
Discuter était si bon… Il fit nuit à nouveau. Et là, l’estomac de l’ogre gargouilla. Ils rirent tous les deux. Puis ils se promirent de se retrouver le lendemain soir.

Pendant la journée qui suivit, l’ogre n’alla pas se faire un jus de chaussettes. D’ailleurs, il laissa aussi les champignons tranquilles. Ainsi que les feux follets, dont plusieurs s’étaient éteints.
Il passa son temps à fabriquer un bateau. Un gros, qui pouvait aller en mer. Puis, quand il l’eut fini, car un ogre décidé, ça travaille très vite, il rassembla quelques provisions et se mit en route vers la mer, avec l’objet étrange dans la poche.
Il n’imaginait pas que…

Pendant ce temps, la sirène repéra une grosse pierre selon des critères bien précis, connus d’elle seule. Quand elle l’eut trouvé, elle toqua sur plusieurs endroits et écouta la résonance. Soudain souriante, elle attrapa un gros caillou et s’en servit pour frapper très fort sur un endroit précis.
Et la pierre se fendit en deux morceaux. Il s’agissait en fait d’une pierre creuse, mais solide. L’intérieur était tapissé de beaux cailloux violets.

La sirène alla cueillir des algues, et les fixa avec un peu de vase dans le fond d’un des deux morceaux.
Puis elle fixa quelques bouts de corail en dessous en les fixant dans les anfractuosités de la roche.
Pour toute personne passant par là, on aurait pu croire à un traîneau, mis à part le fait que ça ressemblait plus à une baignoire sur deux rampes.

Puis elle appela deux morses, les attela à l’ensemble, et les guida vers la surface.
Elle n’imaginait pas que…

L’ogre était très près de la mer. Il sentait l’odeur salée, très différente de celle de son marais. Il vit le soleil baisser sur l’horizon. Il s’arrêta, puis sortit l’objet bizarre de sa sacoche.
Il s’attendait à…

La sirène vit que la lumière s’atténuait sous l’eau. Le soleil devait être en train de se coucher. Elle prit alors l’objet étrange au fond de son étrange traîneau.

L’ogre et la sirène se saluèrent. Puis chacun essaya d’expliquer ce qu’il avait fait en même temps. Naturellement, aucun ne comprit ce que l’autre disait.
Mais la sirène aperçut derrière l’épaule de l’ogre une constellation d’étoiles qu’elle connaissait. Puis une autre juste au dessus.
Elle connaissait bien la configuration du ciel, car elle s’en servait souvent pour se repérer en mer. Et elle savait que l’ogre n’était pas loin.

Alors, au lieu de mots inutiles, elle lui dit d’attendre, et qu’elle avait une surprise pour lui. L’ogre, perplexe, attendit donc. Puis il entendit un drôle de raclement pas loin, et, surpris, il vit arriver la sirène dans son drôle d’attelage.

Heureux de se rencontrer ainsi, face à face, il discutèrent encore toute la nuit, puis le soleil se leva.
Ils entendirent des bruits de villageois, et décidèrent de se réfugier dans une grotte à coté.

Quelle ne fut pas leur surprise, dans cette grotte, de découvrir un grand lac d’eau salée, bordée par une étendue de boue de marais.
Heureux, ils décidèrent de s’y installer.

Depuis, l’ogre continue à aller chiper des chaussettes pour son jus du matin, et la sirène colle toujours des coquillages aux coques des bateaux.
Mais maintenant, ils vivent heureux, ensemble.

Elfia la tisseuse

Il était une fois une douce princesse qui répondait au nom d’Elfia. Sa beauté était sans pareil et sa vertu se chantait depuis les terres où le Soleil se lève jusqu’à l’horizon où il se couche.

Quand les troubadours la contaient, ils comparaient la finesse de son visage à celle de son tissage. Car la belle tissait et, des étoffes qu’elle fabriquait de ses mains, elle créait des robes magnifiques pour parer les jeunes femmes prêtes à se marier.
Lorsque les artistes voulaient dessiner son visage, ils prenaient pour ses cheveux des fils d’or fin, pour ses yeux de l’azur et des paillettes d’argent, pour sa peau des roses à peine écloses et pleines de rosée.

Nombreux furent les princes à tomber amoureux de son portrait, et multiples furent les princesses qui la prièrent de leur faire une robe pour le plus beau jour de leur vie.
Et, tandis que les années passaient, nombreux étaient les soupirants. Rares étaient les élus à toucher son cœur.

L’un d’eux lui demanda un jour pourquoi elle tissait sans cesse au lieu de se choisir un mari. Elle répondit d’un sourire triste qu’elle avait trouvé l’amour. Et ce fut sa première robe. Hélas, son amour était une femme sur le point d’être mariée à un homme. Un mariage désiré par tous, y compris la fiancée et le fiancé. Leur bonheur se voyait sur leurs traits.
Elfia expliqué qu’alors, elle avait décidé de continuer à tisser jusqu’à ce qu’un homme éveille en elle le même transport que la femme à qui elle avait offert sa première robe.
Lorsque cet homme serait sien, elle pourrait fabriquer la plus belle de ses robes. Elle y pensait d’ailleurs souvent.
Le jeune homme soupira et continua à la courtiser, sans grand espoir hélas, car il sentait en Elfia une pureté et une beauté de cœur que peu sauraient un jour mériter.

On dit que la princesse continua à tisser pendant encore des années. Puis, un jour, on la trouva comme morte, et pourtant encore chaude. Après un deuil qui brisa le cœur de toutes les terres depuis celles où la Lune se lève jusqu’à l’horizon où elle se couche, on la posa dans un tombeau que l’on scella.

Une jeune femme s’attarda, triste que la belle tisseuse s’en soit allée. Ses robes étaient si belles… Mais Elfia avait toujours dit qu’elle n’avait toujours pas fait sa plus belle robe. Alors la jeune fille pleura, et souhaita que la princesse ait ce qu’elle avait mérité.
Soudain, elle sentit une vague de chaleur. A sa grande surprise, la pierre scellant le tombeau fondit et dégagea l’entrée. La jeune fille eut envie de fuir. Mais la curiosité fut la plus forte.
Elle attendit que la chaleur s’estompe. Puis elle entra, et découvrit à l’intérieur un corps en marbre recouvert d’une robe de faïence. Une robe si belle qu’elle resta interdite, les larmes aux yeux encore. Elfia portait dans sa mort la plus belle des robes.
Quand elle posa la main dessus, elle sentit le cœur de la princesse encore chaud. Et toute la voûte au dessus semblait avoir fondu, comme la pierre à l’entrée.
La nouvelle se répandit et l’on vint de toutes les terres, depuis celles où les étoiles brillent jusqu’à celles où elles s’éteignent, déposer des fleurs pour parer la princesse.

Depuis, toutes les jeunes filles à marier viennent voir ce miracle, la princesse dont le cœur fut si chaud d’amour que, même dans sa mort, son cœur fit fondre la pierre pour la parer de la plus belle des robes en attendant le jour où, dans une vie ou dans une autre, elle pourrait enfin rejoindre son amour.

Oubliez cette histoire

Je suis en train de disparaître. Petit à petit, je deviens invisible pour les autres, inutile... Pourtant, j'ai eu une enfance heureuse, des parents gentils. J'avais des camarades d'école dont certains se disaient mes amis. On jouait ensembles à la récré, on bavardait pendant les cours, on séchait le collège et le lycée ensembles... J'ai même eu une petite amie. Je me rappelle que ça a duré longtemps. Plus de trois ans. Puis elle a déménagé et je ne l'ai plus jamais revue.

J'ai commencé à disparaître pendant mes études supérieures. J'étais dans une école loin de chez mes parents. Mes anciens amis me téléphonaient ou m'écrivaient de temps en temps par mail ou messagerie instantanée. Mais on n'avait plus les mêmes centres de préoccupation. On n'habitait plus les uns près des autres. On ne faisait pas les mêmes études. Ils se faisaient d'autres amis. Moi, j'étais bien trop occupé à étudier pour essayer. J'avais des camarades de TP ou de siège. Mais les cours dans des amphithéâtres ne me rapprochaient pas d'eux. Et ils ne s'approchaient pas de moi.

J'ai alors commencé à recenser des anomalies. Mon nom oublié assez souvent dans les listes d'appel ou d'examens. Mon numéro de téléphone répondant de temps en temps aux autres qu'il n'existait pas d'abonné pour répondre. Mes factures qui n'arrivaient plus. Bien sûr, ce dernier point me plaisait beaucoup... J'aurais quand même du avoir la puce à l'oreille.

Mes anciens amis ne me parlaient que très peu, il fallait que je leur adresse la parole pour cela et que je leur rappelle qui j'étais, car souvent, je ne faisais plus partie de leur liste de contact. Mes parents, par contre, restaient fidèles avec un appel tous les week-ends et je rentrais les voir une fois par mois. Jusqu'à ce qu'un incendie ravage la maison, tuant mes parents et brûlant tous les souvenirs que je possédais, en dehors de ceux que j'avais avec moi dans ma chambre d'étudiant. Les proches furent nombreux à l'enterrement mais oublièrent pour la plupart de venir me faire leurs condoléances. Peu importait alors, puisque ma douleur me faisait oublier ce qui m'entourait.

Puis je terminais mes études dans la moyenne et trouvait un emploi où je travaillais dans un petit bureau, seul. Une secrétaire passait une fois par jour prendre mes dossiers finis et m'en donner d'autres. Parfois, elle oubliait. Elle ne se rappelait de toute façon jamais mon nom et il arrivait qu'elle se trompe en m'apportant les dossiers.

Je ne recevais plus aucune facture dans mon petit appartement. Le propriétaire décéda un an après que j'eus emménagé. Personne ne vint alors me demander un loyer ou m'expulser. Je n'allais jamais voter car je ne recevais pas les courriers correspondants. Seules certaines pubs de pizzeria ou de supermarchés échouaient encore dans ma boite au lettre.

A présent, lorsque je suis dans la rue, on me heurte sans aucun mot d'excuse. On s'assoit sur mes genoux dans le bus ou le métro. On passe devant moi dans la file de la caisse. J'ai l'impression que les gens m'ignorent.

Je me suis regardé dans un miroir ce matin et j'ai compris. Mon reflet est presque invisible. Quand je suis allé au boulot, un homme était assis à mon bureau, comme si de rien n'était. Alors je suis rentré chez moi. Je vois le stylo et le papier à travers mes doigts. Je crois que bientôt, je ne pourrais même plus tenir quoi que ce soit, on dirait déjà que je passe à travers la matière. C'est d'ailleurs comme ça que je suis rentré chez moi : je n'ai pas eu besoin d'ouvrir la porte. Alors il est peut-être temps que je vous dise Adieu...

Cette lettre a été trouvée dans un appartement abandonné. Une simple signature la finissait. On a recherché qui était ce quidam. Il semble qu'il soit l'enfant mort-né d'un couple dont la mère le voyait sans cesse, un peu comme un fantôme. Le père payait des enfants pour jouer devant la mère et faire comme s'ils voyaient cet enfant disparu. Ils étaient allés jusqu'à l'inscrire dans une école supérieure, lui acheter des fournitures et lui louer une chambre. Et lorsqu'ils sont morts, tous les éléments se rattachant à cet enfant ont disparu, sauf le témoignage de la sœur de la mère. Celle-ci, en plus de nous expliquer ce qui a déjà été inclus au rapport, nous a demandé d'oublier cette histoire.

Un début, un commencement, une continuation.

Ce n'est jamais facile de débuter. L'angoisse de la feuille blanche n'est pas une légende. Mais j'ai décidé, pour ce tout premier post, de me laisser glisser au fil de l'eau.

On me conseille depuis longtemps de me lancer dans l'écriture d'un blog. Pourquoi ? Parce qu'il semble que les mots que j'assemble sont agréables à l'oeil. Et parce que je ne suis pas prête à écrire un livre qui se vendra en des millions d'exemplaires en un claquement de doigt.

Que trouverez-vous ici ? Des nouvelles, des petits bouts de récits, des morceaux d'inspiration selon ce qui me passe par la tête.

Je suis Gabrielle Savière, bienvenue sur mon blog.