Bienvenue

Vous êtes arrivés ici par hasard, au détour d'une page, ou bien après que l'on vous ait suggéré que peut-être, il y avait ici un peu d'un jardin intéressant.


Je n'ai pas d'autre prétention que de vous emporter, pour un instant, dans mon monde. Dans mes mondes.


Bienvenue !

mercredi 22 septembre 2010

La première plume de la première page

On dit souvent d'un artiste qu'il peut craindre le syndrome de la page blanche. Cette panique légère qui, quant on s'y perd, peut devenir un murmure à l'oreille qui répète :

Et comment ça commence ? Et c'est quoi le début ? Et quelle sera la première phrase, celle qui donnera un public ému ?

Un dilemme bien cruel et une question en suspens. Cherchons donc à y répondre. Quels mots, quelle tournure peut donner envie au lecteur de passer au-delà de la première phrase. Celle-ci devra l’intriguer, lui parler, l’alpaguer et l’hameçonner, sans qu’il n’ait envie d’aller justement se chercher une bière et quelques chips pour regarder le match de foot à la télé.

Essayons.

" Telle une fleur éclose du matin, la fraicheur de ses joues étincelait. "

Vague, maladroit, on y voit une probable faute de goût, si ce n'est pas de logique. Une fraicheur n'étincelle pas.

" Levant les yeux, elle regarda l'horizon en se demandant quand il rentrerait. "

Déjà un peu plus intéressant. Une question dissimulée derrière une tournure de phrase. L'expression est un peu maladroite, mais on peut se laisser piéger. Toutefois, peut mieux faire.

" Gaelcediene, les yeux au loin, caressa son ventre avec un soupir. "

Ah, déjà, un peu plus d'informations. Un nom, une suggestion d'état : triste et enceinte. On s'attend dans la deuxième phrase à avoir quelque chose se rapportant au bébé et éventuellement au soupir de cette dame.

" Gaelcediene se tenait en haut de la tour la plus élevée de son château et elle se demandait où était son mari. "

Ouh ! Non ! Trop d'informations. Trop plat. Trop insipide. Laissons un peu de magie !

Bien sûr, on pourrait faire comme Robert Jordan et commencer par une citation un peu longue et mystérieuse.

" Ceci n'était pas un début. Ni une fin. Juste un point à partir duquel découlait une histoire. "

Je vous l'accorde, c'est tricher un peu, ce n'est pas une seule phrases mais trois. Et, quelque part, ça n'empêche pas que la première phrase de l'histoire en elle-même est importante.

Décidément, écrire la première phrase n'est pas facile.

mercredi 15 septembre 2010

Une rencontre

Les nouvelles rencontres sont très rares dans l’ensemble. Néanmoins, cela arrive parfois, aussi étrange que ça puisse paraître. Des âmes sœurs en général, déjà habituées à voyager ensemble, quel que soit le corps. Les lieux et les liens varient tant et tant que les coïncidences ne sont pas rares.
Sans doute, si l’on avait suivi ainsi la migration des âmes au travers des âges sur une mappemonde à l’aide de punaises et de fils colorés, le tableau ainsi exposé formerait un ballet aussi doux que riche pour les yeux, une véritable mélodie visuelle.
Ceci dit, les familles d’âmes restent relativement stables au court du temps. Une harmonie certaine y règne. Comme l’eau et l’huile, elles glissent les unes contre les autres, se côtoyant sans se mélanger. Sans rancœurs particulières mis à part celles, animales qui s’élevaient lors des vies pour se consumer dans la mort, partagées puis oubliées en un clin d’œil.
Les guerres passent sans plus qu’une ride sur un étang. Même quand il pleut, les gouttes ne creusent pas l’étendue d’eau mais la remuent simplement.
L’évolution des hommes a tout de même, bout à bout, modifié subtilement l’équilibre. A l’amer, au salé, à l’acide, on a ajouté le sucré, surprenant et doux. Comme un coup de fourchette dans la vinaigrette qui incorpore la moutarde, permettant ainsi de mélanger le vinaigre et l’huile.

Cela se passe dans un zoo. Une invention de l’homme. Car jamais la nature n’a mêlé les lions aux pingouins ni laissé se rencontrer les pandas et les kangourous.
La cage de verre des panthères a une vitre commune avec l’enclôt des loups. Deux espèces carnivores placées ainsi pour que le stockage et la distribution des viandes soient facilités. Un peu plus loin, on peut croiser des lions, hyènes, pumas, tigres et autres espèces qui auraient préféré croquer autre chose que les quartiers de bœuf surgelés qu’on leur balançait à heures fixes.
Mais pour l’heure, c’est une panthère noire, une femelle, qui fait sa sieste dans un rayon de soleil fatigué de l’automne. Et deux jeunes loups gris qui jouent de l’autre coté, dérangeant les feuilles mortes prématurément.
Les deux espèces se voisinent ainsi depuis quelques dizaines d’années, s’ignorant banalement. Pas d’odeur, pas de menace, pas d’ennemi.
Mais cette fois, un détail change. La panthère noire croise le regard d’un des deux loups. Et, au lieu de continuer à tourner la tête pour bailler, elle le fixe. Et le loup s’arrête de jouer, imité par son compagnon.
Pendant près de deux heures, les animaux soutiennent leur regard, sans bouger. Puis vient l’heure des soins. Les trois bêtes ne résistent pas au bruit caractéristique et courent, presque synchronisés, vers leur récompense pavlovienne quotidienne.

dimanche 5 septembre 2010

Nina et les perles de pluie

Il était une fois une petite fille qui s’appelait Nina. Comme toutes les petites filles de son âge, elle avait des rêves. De Grands Rêves. Oui, avec les majuscules.
Sa maman lui avait raconté une histoire quand elle était petite, sur les perles de pluie. Ces perles formaient le collier de la Princesse des Nuages. Si une petite fille trouvait ce collier, elle pouvait devenir Princesse et commander à la pluie.
Nina rêvait de ce collier, très souvent. Elle imaginait les perles, transparentes, faites d’eau qui ne coule jamais et qui ne mouille pas. Etre princesse la tentait. Commander à la pluie pouvait être très intéressant. Elle demanderait par exemple qu’il pleuve sur les fleurs du jardin mais pas sur le chemin, pour qu’on puisse se promener et regarder la pluie tomber sans être mouillé et devoir rentrer pour se changer.

Mais Nina grandissait sans savoir où trouver ce collier. Elle n’était pas une aventurière, à courir le monde pour chercher des trésors. Et puis, le monde tournait, la pluie tombait, et il fallait bien faire semblant de suivre le pas. Alors elle gardait ses Grands Rêves dans une boite. Une petite figurine de bois que son père lui avait fabriqué avec un collier de perle autour du coup, et quelques bouts de quartz presque ronds qui lui rappelaient l’histoire.

Quand elle eut 12 ans, son père lui fit la surprise de monter ses bouts de quartz en collier. Elle n’aurait pas de perles de pluie, mais elle pourrait avoir ses cailloux autour du cou pour faire semblant. Nina était aux anges. Elle sortit dehors avec son collier puis dit à son jardin :
« Bientôt, je pourrai ordonner à la pluie de te mouiller en laissant ma tête au sec. »

Puis elle continua à grandir. Et le temps passait sans qu’elle trouve comment obtenir les perles de pluie dont elle rêvait. Alors elle imaginait que son collier était vraiment celui qu’elle cherchait, et ordonnait à la pluie dans son jardin de laisser les chemins tranquilles pour qu’elle puisse s’y promener. Sans jamais aller regarder si la pluie lui obéissait. Car elle ne voulait pas être déçue en voyant que le chemin était aussi mouillé que les fleurs.

Lorsqu’elle eut 15 ans, sa mère lui fabriqua une très jolie robe pour qu’elle puisse aller à une fête au village. Elle avait enfin le droit d’y participer et se sentait impatiente. Elle prit très longtemps à se préparer. Elle avait mis la robe et son collier, et elle se regarda dans le miroir.
« Il manque quelque chose » dit-elle à son reflet. Et son reflet acquiesça. Alors elle décida de sortir pour aller cueillir quelques fleurs et les mettre dans ses cheveux.
Sur le pas de la porte, elle s’aperçut qu’il pleuvait. Et elle se rappela qu’elle avait ordonné à la pluie le matin même de ne pas mouiller le chemin. Alors elle s’avança d’un air décidé. Si la pluie ne lui obéissait pas, tant pis. Elle releva tout de même sa robe, au cas où il y ait de la boue.

Elle ferma les yeux puis commença à avancer. Elle connaissait le chemin par cœur, et ne voulait pas voir si le chemin était sec ou pas.
Quand elle ouvrit les yeux, devant les fleurs, elle sourit. Elles étaient décorées de gouttes d'eau. Mais, sous ses pieds, elle sentait le sol sec. La pluie lui avait obéit !

Elle prit quelques fleurs et les planta dans ses cheveux. Puis elle se retourna. Un carrosse de nuage l'attendait. Elle monta dedans.

Le jour suivant, le carrosse revint chercher ses parents et tous ses amis. Elle était devenue la Princesse des Nuages.