Bienvenue

Vous êtes arrivés ici par hasard, au détour d'une page, ou bien après que l'on vous ait suggéré que peut-être, il y avait ici un peu d'un jardin intéressant.


Je n'ai pas d'autre prétention que de vous emporter, pour un instant, dans mon monde. Dans mes mondes.


Bienvenue !

samedi 29 juin 2013

Un vœu particulier

Au royaume des fées, tous les souhaits sont possibles. Il suffit de réussir à trouver une entrée dans ce royaume un jour de brume. Quand le brouillard s’élève au niveau de la forêt, au détour d’un chemin, parfois, on peut y pénétrer. Qu’on le désire ou non.

Et c’est ce qui est arrivé à une de mes amies. C’est ainsi qu’elle me l’a raconté :


Ce jour-là, je voulais juste aller cueillir des champignons.au début, il faisait beau. Enfin, à l’aube, quand on voit le soleil poindre au loin, même si les nuages cachent les dernières étoiles, on se dit qu’il fait beau. Alors je suis partie, tôt pour éviter que quelqu’un passe avant moi dans mes coins préférés.

Et, alors que j’avais trouvé mes premiers cèpes, j’ai eu l’impression qu’une marée blanche s’avançait vers moi. La brume semblait s’élever des plantes, comme si, de leur propre volonté, elles se recouvraient de ce drap cotonneux.

J’ai ramassé un bout de bois suffisamment long pour me servir de bâton de marche. Inutile d’espérer échapper au brouillard quand il se lève ainsi. Le mieux est de tâter son chemin, pour éviter de trop s’éloigner du chemin.

J’ai marché pendant pas mal de temps. Tu sais, parfois, le temps s’étire, surtout au milieu de la brume. Tu as l’impression de marcher des heures pour refaire un chemin qui n’avait pris que quelques instants à l’aller. C’est un peu comme on va voir ce fameux hêtre, tu sais, celui qui est en au bout d’un chemin en pente. A marcher les yeux fixés par terre, les pas sont lourds et lents. Alors que la descente est très rapide.

Enfin, bref, j’ai marché longtemps. Et j’ai fini par me demander si je ne m’étais pas perdue. Trompée de chemin. Puis la brume s’est levée, presque d’un coup. Et là, je me suis dit qu’il se passait quelque chose d’étrange. L’air vibrait. J’étais entourée de murmures. Comme au milieu d’une foule, mais en plus doux, et je ne comprenais pas un mot.

Les couleurs étaient plus vives aussi. Et les odeurs… Comme dans les contes. Et je me suis dit que j’étais perdue. Et que je voulais bien rester perdue toute ma vie.

Puis j’ai entendu de la musique. Alors je l’ai suivie. Je n’ai pas reconnu les instruments, ni les paroles. Et pourtant, je savais qu’elle me disait de venir.

Je suis arrivée devant une espèce de palais de verdure. Les plantes avaient poussé entrelacées. Et pourtant, ça ne faisait pas sauvage, mais majestueux.

En me rapprochant, j’ai vu qu’il y avait deux foules. Une bigarrée, toujours en mouvement, comme une danse qui allait avec la musique. Et une un peu plus terne, de gens qui regardaient autour d’eux. La seconde foule, c’était des gens comme moi, et pas tout à fait pareils. Il y en avait habillés avec les vêtements de mes grands-parents. D’autres avec juste des draps enroulés autour. Encore d’autres avec de la soie, ou de la toile. Propres, sales. Toutes les couleurs de peau qui existent. Et ils étaient assemblés dans une sorte de théâtre, à attendre je ne sais quoi. Je me suis dirigée vers eux.

Il y avait plein de langues différentes. Ce n’était pas comme lorsque je suis arrivée, on sentait bien que c’était des gens normaux. Et pourtant, c’était une musique aussi. Je ne savais pas vraiment quoi leur dire.

Heureusement, je n’ai pas eu à me poser la question très longtemps. Il y a eu un silence, puis les plantes ont bougé toutes seules pour former un trône. Puis il y a eu un petit bonhomme qui a grimpé dessus. Enfin, un petit bonhomme… Au début, j’ai cru que c’était un enfant de dos. Je me suis aperçue que je m’étais trompée quand j’ai vu son visage. Son sourire pétillait, et dans ses yeux on voyait les siècles. Tantôt il semblait vieux et sage, tantôt il avait cet air émerveillé d’un enfant qui découvre ce qui l’entoure.

C’est quand j’ai croisé son regard que je suis tombée amoureuse. Je ne sais pas pourquoi. Ce n’était pas le prince charmant des contes de fées. Pas le bellâtre sur son cheval blanc. S’il avait été humain, je ne sais pas si je me serais retournée sur lui. Mais son regard m’a donné l’impression d’être chez moi. C’était lui mon foyer.

Je n’avais pas conscience d’avoir arrêté de respirer. Quand il a pris la parole, j’ai relâché mon souffle.

« Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs. Je sais que vous avez beaucoup de questions. Je suis là pour y répondre.
Où ? Dans le pays des fées, des petites gens.
Quand ? Et bien, aujourd’hui. Même si aujourd’hui est différent pour chacun d’entre vous.
Pourquoi ? Par hasard.
Comment ? Si je vous le disais, vous pourriez le révéler à tout le monde, et nous préférons la surprise.
Qui ? Nous sommes les petites gens, les fées, tous les noms que vous voulez nous donner. Et moi, je suis notre roi. Enfin, leur roi.
Comme aucun d’entre vous ne nous a cherché, nous vous accorderons un vœux chacun. Tout ce que vous pouvez imaginer. Beauté, richesse, succès, il vous suffit de venir me le dire, et ce sera exaucé. Nous vous emmènerons ensuite là où vous le désirez. »

La foule terne s’est mise à bourdonner. C’est là que j’ai réalisé que le roi avait parlé dans une langue que je ne connaissais pas. Et pourtant, j’avais tout compris.

Les ternes, parce que j'ai du mal à les appeler humains, ont formé une file. Moi, je suis allée tout au bout. Je ne savais pas vraiment quoi demander. Je vais dire, dans les contes, quand une fée se penche sur ton berceau, elle te donne la beauté, la grâce, une belle voix, de l’esprit. Mais qu'est-ce que j'aurais fait de tout ça?

Des femmes belles, j'en ai vu. Elles passent leur temps à s'inquiéter du jour où elles perdront leur beauté face à l'âge. Pareil pour la grâce. Ça m'évoque plus une poupée gracile, en porcelaine, que l'on a peur de casser.

La voix? On peut chanter comme un rossignol et avoir le charisme d'une poule.

A quoi ça sert si tout le monde demande quand on passe au pot?

Et l'esprit... Oh, je suppose que c'est agréable de toujours savoir quoi dire. Est-ce qu'on est aimé pour autant? Je ne suis pas sûre.

Alors la richesse. Oui, je pourrais me payer un château, de belles robes, des bijoux... Ceci dit, je me sens bien plus vivante en godillots à aller dans la forêt cueillir des champignons qu'en robe en fanfreluche à prendre le thé. Alors que choisir?

Je voyais au loin les gens demander, recevoir, puis partir. Ils avaient l’air heureux. Et je continuais à me poser, toujours la même question, incapable de prendre une décision. Et pourtant, tous avaient l’air tellement surs !

J’ai fini par essayer de me distraire. J’ai regardé autour toute cette beauté sauvage. Je n’ai pas osé sortir de la file. Oui, c’était magnifique, mais un peu comme les roses. Au début, tu sens l’odeur, puis tu vois la fleur, mais si tu touches, tu te piques. Je pense que si j’étais allé toucher ce palais, ou cette faune merveilleuse, je me serais piquée.

Je ne sais pas combien de temps à passer avant que je réalise qu’il n’y avait plus que deux personnes devant moi. Une espèce de grosse femme habillée de couleurs criardes et maquillée comme un pot de peinture, et un homme un peu sec qui sentait le rance, alors qu’il avait un beau costume noir. J’ai décidé d’écouter leurs vœux. Peut-être qu’ils allaient m’inspirer.

Elle a demandé la jeunesse éternelle. Palabrant sur combien sa beauté était grande quand elle était jeune, qu’elle faisait tourner toutes les têtes. Le roi l’a avertie que jeunesse éternelle n’était pas immortalité. Que n’importe quel accident ou maladie grave pouvait l’emporter. Elle n’a pas changé d’avis.

Je l’ai vu changer d’apparence devant mes yeux. Couverte de maquillage comme elle l’était, je n’ai pas vu grande différence. Mais elle a eu l’air contente, et c’est vrai que ses mains avaient perdues leurs tâches et leurs rides.

L’homme, lui, a annoncé sèchement qu’il souhaitait une bourse contenant sans arrêt de l’or. Le roi l’a averti que la richesse ne rendait pas heureux. L’homme a soupiré. Le roi a ajouté qu’il faudrait faire attention à qui l’homme montrait la bourse. L’homme a haussé les épaules et réclamé son dû. Le roi lui a donné.

Et enfin, c’était mon tour. Le roi m’a souris, attendant ma requête. Et je suis restée muette. De près, il était encore plus beau. J’ai senti mon cœur faire un bon. J’avais envie de le toucher. De le prendre dans mes bras. De l’embrasser. De me mettre sur ses genoux. Pleins de sentiments en même temps. Je crois que je suis devenue toute rouge. J’ai balbutié :

« Je, Je, Je… Je…
- Et bien, vas-y, je t’écoute. N’aie pas peur. »

Je l’ai regardé encore et c’est sorti tout seul.

« Je veux être vôtre femme. »

Le silence c’est fait. J’étais seule au milieu de cette foule bigarrée, et j’ai cru que ma dernière heure avait sonné. Que j’avais touché un tabou, ou enfreint une loi intemporelle.

Quand le roi sourit, j’ai recommencé à respirer. Il a pris la parole :

« Hélas, nos deux espèces ne peuvent cohabiter bien longtemps. Ton monde est mortel pour moi. Et tu ne survivrais pas longtemps chez nous. »

J’ai du paraître très déçue. Mais j’ai quand même demandé :

« Et si je viens juste un peu, de temps en temps ? Juste les jours de brouillard.
-Et être à jamais entre deux mondes, sans pouvoir faire autre chose que me voir et me parler ? Car même ton toucher me serait toxique.
-C’est que… Je n’ai pas d’autres vœux. Ce que j’aimerais, c’est être heureuse, simplement. Et la seule façon, maintenant que je vous ai vu, c’est d’être vôtre femme. Même si ça signifie que vous voir que les jours de brouillard. Et ne pas pouvoir vous toucher. C’est suffisant. »

Il y a eu un brouhaha incompréhensible. Les mots et les cris fusaient de partout. Et le roi a levé la main. Tous se sont tus. Un petit lutin s’est avancé.

« Domi, tu sais quel est le prix à payer. Elle, elle ne le sait pas. Mais nous sommes tous d’accord : il s’agit de ton choix. »

Le roi a paru songeur. Il m’a regardée. A nouveau, je me suis sentie chez moi. J’étais prête même à me laisser mourir ici, si je pouvais passer mes derniers instants avec lui.

« Quel est ton nom ? »

Sa question m’a prise de court. Mon nom ?

« Si je dois exaucer ce vœu, alors je dois également savoir ton nom. Sinon, je ne pourrai pas.

- Mon prénom est Eugénie. Mais tout le monde m’appelle Nini.

-Et bien Nini, de tous ceux qui sont venus ici pour donner leur souhait, tu es la première avec un qui me réjouit. Ils ne savent pas que le meilleur vœu, ce n’est pas la beauté, la richesse ou même la sagesse. Le meilleur vœu, c’est de souhaiter être heureux. Et le reste vient tout seul.

Je te vois devant moi, et ton esprit me plait. Ton innocence me séduit. Et je pense que de tous ces gens qui sont partis avec l’impression d’avoir accompli quelque chose, aucun n’a été aussi simple et sage que toi.

Cette femme avec la jeunesse éternelle va mourir de la syphilis, maladie qui la ronge depuis déjà plusieurs années. Elle n’aura pas eu le temps de profiter de sa nouvelle jeunesse. Et l’homme, lui, sera tabassé au coin d’une rue, sa bourse vidée puis jetée dans une poubelle, parce que son meurtrier ne saura pas qu’il lui suffirait d’attendre pour avoir encore plus d’or.

Pour ton vœu, il reste tout de même un prix à payer. Je ne pourrai pas t’épouser de ton vivant. Ni du mien. »

Je l’ai regardé sans comprendre. Pas m’épouser ? Donc mon vœu est nul et non avenu ?

Il s’est levé puis s’est approché de moi. Je le pensais petit. Et pourtant, ses yeux étaient à la hauteur des miens. Il a fait un geste comme pour me saisir la main. Il s’est retenu.

« Pour que nous soyons ensemble, nous devons mourir. Puis nous retrouver dans une prochaine vie. »

Une prochaine vie ? Je ne comprenais pas.

« Ce que peu de gens savent, c’est que les âmes vont d’une vie à une autre. Certains appellent ça la réincarnation. D’autres n’ont pas vraiment de mots. Mais ce que je veux que tu saches, c’est que je vais te retrouver. Tu ne sauras pas qui je suis, et je ne me rappellerai pas de qui tu es. Mais un jour, Domi et Nini seront rassemblés pour une autre vie. Et ton vœu sera exaucé. Acceptes-tu ? »

Je n’ai pas hésité une seule seconde.

« Oui, oh oui ! Tant que je peux être ta femme, vivre avec toi, vieillir avec toi… Alors je veux bien payer n’importe quel prix.

- Le plus dur sera l’attente. Chez nous, le temps passe différemment, mais il te faudra finir cette vie en sachant que je serai là pour la prochaine. »

J’ai juste souri. Après tout, j’étais déjà âgée avant d’entrer dans ce royaume de fées, et j’ai déjà passé ma vie à attendre. Toujours attendre quelque chose.

Il m’a embrassée. Puis il a murmuré :

« A bientôt… »

Il s’est effondré devant moi. J’ai pleuré. Et son image a disparu devant mes yeux, je me suis retrouvée à nouveau devant mes cèpes, avec mon panier. Alors je suis rentrée à la maison.

Mon amie s'est éteinte il y a peu de temps. Elle m’a raconté son histoire sur son lit de mort.

Je me demande s'il y a un bébé, quelque part, en train de naître avec son âme. En attendant de savoir si son histoire est vraie, sur sa tombe, on a gravé :

« Ci git Nini. Elle a eu un beau rêve. »

vendredi 14 juin 2013

La Grenouille et le Kangourou

Sur un bateau vit une Grenouille corsaire. Pas une Grenouille de corsaire, une vraie Grenouille corsaire. Elle a son bocal de verre dans la cabine du capitaine, avec vue sur la mer. Et régulièrement, le capitaine la sort sur le pont avec l’équipage, afin qu’elle puisse prédire la météo. Elle fait la pluie et le beau temps pour ses camarades. Ils lui ont même fait un mini chapeau de corsaire, qu’elle met tous les matins avant de monter sur sa petite échelle pour regarder la mer.

Un jour, le capitaine pose son bocal sur une carte et commence à lui montrer un dessin dessus.

« Tu vois petite Grenouille corsaire, ça, c’est l’Australie. On dit que là-bas, il n’y a pas beaucoup de corsaires, mais par contre, il y a beaucoup de bateaux ennemis à aller aborder. Ton bocal commence à être un peu fendu et ta petite échelle pour prédire la météo mériterait d’être remplacée. Je suis sûr qu’on trouvera notre bonheur là-bas. Tu crois que tu arriveras toujours à prédire la météo, même aussi loin ?

- Capitaine, donne-moi une copie de cette carte, je vais l’étudier, et quand on arrivera là-bas, je pourrai te prédire la météo aussi bien que ici. »

Aussitôt dit, aussitôt fait. Le capitaine dessine un morceau de carte, en indiquant le port où ils vont mouiller et les endroits où ils iront à la chasse au bateau marchand. Et la petite Grenouille étudie fort pour être capable d’être utile à son capitaine.

Alors que leur voyage touche à sa fin, la petite Grenouille sent une tempête arriver. Elle prévient le capitaine et l’équipage sur le pont. Ils se mettent donc à préparer le bateau pour la tempête. Ils placent même un couvercle à son bocal pour éviter qu’elle en soit éjectée par un roulis trop prononcé. Et ils attachent son bocal pour qu’elle ne s’envole pas à la première bourrasque de vent. Et elle coasse, elle coasse pour les encourager.

Mais hélas, les corsaires n’ont pas prévu que cette tempête est plus forte que ce dont ils ont l’habitude. Et un fort coup de vent déboîte l’attache d’un cordage, qui laisse partir un tonneau, qui vient buter sur la rambarde où on a attaché le bocal de la Grenouille.

Elle coasse fort, mais avec le bruit des vagues, personne ne l’entend avant qu’il soit trop tard. Et elle se sent voler, et voler et plouf ! Son bocal est bringuebalé dans tous les sens, et elle ne sait plus où elle est. Elle tente de saisir sa petite échelle et son bout de carte et elle se fait toute petite. Elle a l’impression que ça dure une éternité. Et, quand enfin revient le silence, elle se retrouve à la dérive. Plus de bateau, plus de corsaires, rien. Juste elle.

Le temps parait très long quand on dérive. Et avec l’eau salée entrée par les petits trous du couvercle, la Grenouille n’est pas très à l’aise. Sa peau la gratte et elle a faim.

Pour elle, une éternité passe avant qu’elle sente enfin qu’elle ne bouge plus. Son bocal s’est échoué sur une plage on dirait. Alors la Grenouille se met à coasser le plus fort possible. Puis elle s’arrête. Puis elle reprend. Puis elle s’arrête. Elle se fatigue. Et quand elle a presque perdu espoir, elle entend un bruit bizarre.

SCHLOMPF ! SCHLOMPF ! SCHLOMPF !

Qu’est-ce que ? Elle coasse de plus belle. Le bruit se rapproche.

SCHLOMPF ! SCHLOMPF ! SCHLOMPF !

Et elle voit à travers la paroi de son bocal une sorte de tête de cerf sans bois et déformée.

« Bonjour Monsieur le Cerf ! J’ai besoin de votre aide. Je suis une Grenouille corsaire. Je suis tombée de mon navire. Je dois le rejoindre. J’ai une carte, je peux vous montrer !

- Petite Grenouille, répond le cerf bizarre, qu’est-ce qu’un cerf ? Je ne connais pas. Je suis un Kangourou.

- Un kangouquoi ?

- Un Kangourou. Attend, je vais te montrer. »

Elle le voit se pencher sur son bocal et commencer à dévisser le couvercle. Un cerf ne pourrait pas faire ça avec des sabots. Mais c’est quoi alors un Kangourou ?

Quand le couvercle est ôté, elle sort doucement de son bocal et elle regarde. C’est bien une tête de cerf, mais debout sur deux pattes. On dirait un lapin assis sur son arrière-train, mais avec une peau de cerf. Et sa queue ! Bizarre…

La petite Grenouille lui tend son bout de carte.

« Cerf ou Kangourou, tu n’as pas l’air de croquer les Grenouilles. Alors peux-tu m’aider ? J’ai besoin d’un peu d’eau douce, puis de rejoindre mon bateau. Mon équipage doit se faire un sang d’encre !

- Je veux bien t’aider petite Grenouille. Grimpe sur ma tête et accroche-toi bien. »

Le Kangourou prend la carte et aide la Grenouille à monter sur sa tête avant de regarder la carte.

« Ah, je vois où c’est. Il y a une petite rivière en chemin. On y sera rapidement. »

Il se penche, pose délicatement la carte dans le bocal, puis saisit ce dernier après avoir revissé le couvercle.

« Bien accrochée petite Grenouille ?

- Euh, oui, oui, bien accrochée. »

Et là, le Kangourou se met à sauter. Et la Grenouille est bien heureuse de ne pas être dans le bocal, où elle se serait bien fait secouer. Elle coasse de bonheur.

Le voyage se passe vite. La Grenouille raconte au Kangourou la vie de corsaire, et il lui explique l’Australie. Et très vite, ils deviennent les meilleurs amis du monde.

Quand ils arrivent à l’endroit indiqué sur la carte, la Grenouille voit le bateau corsaire. Il est un peu mal en point, mais l’équipage s’affaire à le réparer.

« Ouf, ils vont bien. Vas-y Kangourou, je vais te présenter. »

Le capitaine et son équipage sont ravis de la revoir.

« On pensait t’avoir perdue petite Grenouille ! Qui nous aurait donné la météo ? Sans toi, on aurait pu perdre le bateau. »

Ce soir-là, c’est la fête sur le bateau, et le Kangourou est remercié par tout le monde. Et au petit matin, c’est le cœur un peu lourd que la Grenouille va le voir.

« Kangourou, mon bateau va repartir. Mais repartir sans toi va me laisser toute triste. Tu vas me manquer. »

Le Kangourou ne dit rien, il a l’air de réfléchir. Puis il s’en va. Et la petite Grenouille se dit qu’elle a dû le vexer et se sent triste.

Puis le capitaine revient avec le Kangourou.

« Petite Grenouille, pourquoi pleures-tu ? Alors que ton ami Kangourou vient de s’engager pour être corsaire avec nous… »

La Grenouille sautille de joie. Elle n’aura pas besoin de se séparer de son Kangourou. Alors le capitaine leur tend deux chapeaux de corsaires, un petit pour la Grenouille, et un grand pour le Kangourou, avec une place pour la Grenouille dessus.

« Comme ça, pas de bocal. Tu pourras t’accrocher à son chapeau pour prédire la météo ! »

Et c’est ainsi que la Grenouille et le Kangourou se sont rencontrés. Enfin, à peu près. Puisque c'est une histoire qui dure, et qui dure... Et la grenouille et le kangourou sont en train de se marier au moment où je publie cette histoire. Enfin, en train de fêter leur mariage. On leur souhaite plein de bonheur !